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Novissima Verba, cri de détresse d’abord intitulé Job. Au mois de mai 1830, il n’avait plus qu’à corriger ses épreuves.

A mesure qu’il les a composées, Lamartine envoie ses Harmonies, souvent par fragmens, à quelques lecteurs de choix, dont l’opinion compte seule à ses yeux. Avant tous les autres, Aymon de Virieu. Celui-ci, aussi bien que son ami et son confident, est son guide littéraire. Le poète a dans sa critique une confiance entière. Et il n’y a pas de doute que Virieu n’ait, par son goût propre et sa conception personnelle de la poésie, influé profondément sur le génie de Lamartine. Ce goût nous le connaissons, et c’est le goût classique au sens large du mot[1]. Virieu est l’ennemi de toute rhétorique, — pareillement de la rhétorique surannée des poètes de la fin du XVIIIe siècle et de la rhétorique nouvelle que les romantiques sont en train d’accréditer. Il n’apprécie ni la Perte de l’Anio, ni les vers à Bienassis. Lorsqu’il les trouvait bons, Virieu était prié de montrer les vers de son ami à tels connaisseurs jugés dignes d’en avoir la primeur : le Désir à Lamennais, le morceau final du Paysage dans le golfe de Gênes et le commencement de la Pensée des Morts à l’amie de Lamennais, Mme Yemenitz. En tout cas, il devait les faire parvenir à Mâcon où on les admirait avec d’autant plus de ferveur, depuis que le caractère en était tout religieux. Une lettre de Mme de Lamartine à sa belle-fille traduit l’impression que firent les premières de ces hymnes lues dans le cercle de famille. C’était en mai 1826. Lamartine venait d’arriver à Mâcon :

« Il n’était nullement fatigué de son voyage ; il nous a dit des vers qui nous ont enchantés ; son talent est encore grandi ; puis, il est si admirablement employé dans ces belles hymnes qu’il paraît plus grand encore ! Combien celle du Soir est ravissante ! Comme elle élève l’âme, comme elle touche, comme elle pénètre de sentimens religieux ! Je l’ai entendue trois fois, et je voudrais l’entendre toujours ! Nous en étions tous enchantés, son père, ses oncle et tante, M. de Montherot, ses sœurs ; et les plus connaisseurs n’ont pas trouvé un mot à reprendre, et tous étaient émus aux larmes. Il nous a dit quelques fragmens du Matin, délicieux ; mais, par malheur, il ne les avait que dans sa tête et imparfaitement. Il dit avoir voulu les apporter et s’être trompé de livres, ce qui nous a bien fâchés. Quand vous aurez le temps

  1. Voyez une lettre d’Aymon de Virieu, à la suite des Lettres d’Elvire.