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n’est-il pas la preuve vivante que constitution ne veut pas dire abdication ? L’exemple de l’Allemagne et de la Prusse ne montre-t-il pas que gouvernement parlementaire et gouvernement constitutionnel ne sont pas synonymes, qu’un souverain par la grâce de Dieu peut partager le pouvoir législatif avec des assemblées électives, sans pour cela cesser de demeurer le maître ? Ils ont pour eux la vraisemblance, les Russes ou les étrangers qui supposent que, au lieu de pousser le tsar Nicolas à l’entière restauration d’un régime autocratique suranné, l’empereur Guillaume lui enseigne plutôt l’art d’accommoder le pouvoir monarchique aux modernes compromis constitutionnels. Avec notre esprit logique, auquel les Russes le cèdent peu, nous sommes enclins à railler la prétention du tsar Nicolas II, de marier le régime autocratique avec des assemblées législatives élues ; devant un Tsar plus timoré que despote, qui se fait un devoir de conscience de garder à ses héritiers et à la couronne l’intégrité des droits reçus de ses ancêtres et consacrés au Kremlin par l’onction sainte, l’empereur allemand, à la fois si traditionnel et si moderne, a le mérite de prouver que le pouvoir confié aux princes par le roi des rois peut changer de forme, sans changer d’essence, ni s’avilir. Par ses exemples, sinon par ses paroles, Guillaume II a, en tout cas, appris à Nicolas II, comment, à travers le réseau de lois constitutionnelles, un empereur chrétien peut garder l’indépendance du pouvoir, en conservant pour lui seul le choix de ses ministres et en sachant, à son heure, dissoudre les Chambres récalcitrantes. Il n’est guère douteux que, à cet égard, les conseils ou les leçons de Berlin n’ont pas été perdus à Péterhof, et que la dissolution du Reichstag allemand, suivie de la défaite des « social-démocrates, » a été un encouragement au renvoi de la deuxième Douma. A beaucoup de libéraux russes, nous le savons, le coup a semblé venir droit de Berlin.

Une chose plus certaine encore, la seule peut-être qui reste hors de doute, c’est que, dans le confus amas des affaires de Russie, il est un domaine touchant à la fois la politique intérieure de l’Empire et sa politique extérieure dont ni la diplomatie allemande, ni l’empereur Guillaume II ne se sont jamais désintéressés, et sur lequel les vues de Berlin et de Potsdam n’ont pas varié. Le point fixe de la politique prussienne en Russie, sur lequel la Wilbelmstrasse a toujours les yeux ouverts, c’est ; il est