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empêcher la guerre déchaînée par le tsarisme, autant de moyens d’action qui, même en Russie, n’ont pas atteint leur objet propre. Enfin, le manifeste prône l’éducation antimilitariste de la jeunesse, que certains instituteurs hervéistes pratiquent en France avec succès.

Présentée au Congrès par M. Vandervelde, avec un commentaire où il risqua le mot de combat des masses, mais non ceux de grève et d’insurrection, cette motion fut votée à l’unanimité. Si on l’eût discutée, c’est alors qu’auraient éclaté les divergences. Nous y avons perdu les grands duels oratoires du Congrès d’Amsterdam. Mais toute parole eût été dangereuse pour les Allemands. Seul M. Hervé s’est fait entendre, malgré les efforts de ses amis et du Président pour lui imposer silence. Il ne lui a été permis que de prononcer trois mots contre la clôture, de signaler l’étranglement et l’escamotage de la discussion. M. Hervé ne pouvait admettre que l’approbation de Bebel et de Vollmar, « ces deux vieux sous-offs de la landwehr, » figurât à côté de la sienne, après les paroles qu’ils avaient prononcées contre lui, au sein de la Commission. Il somma en vain la section allemande de déclarer, par une voix autorisée si oui ou non elle était d’accord avec le patriotisme de ses chefs.

M. Hervé prétend qu’il triomphe et il prend M. Jaurès sous sa protection ; les Allemands semblent battus, Bebel est mécontent, le Congrès a rendu sa position plus difficile. On peut être assuré cependant que les Allemands ne dévieront pas d’un iota de leur tactique habituelle, qui leur est tout d’abord commandée par la solidité du régime sous lequel ils vivent. Et cela condamne l’action antimilitariste de M. Hervé et celle de M. Jaurès.

Les social-démocrates allemands comprennent l’antimilitarisme de tout autre façon que les Français. Ils n’ont pas peur de la prison comme l’insinuait Hervé. Ils joueraient même volontiers le rôle de martyrs à la condition que cela fût utile à leur cause. Le « préjugé patriotique, » que déteste M. Hervé, est infiniment plus fort parmi les socialistes en Allemagne qu’en France : l’unité allemande est trop récente et leur est trop nécessaire, pour qu’ils en fassent bon marché. À la fin de son livre De l’Allemagne, Henri Heine, dans une prophétie célèbre, avertit les Français que le tonnerre allemand n’est pas très leste, qu’il vient en roulant un peu lentement, mais qu’il viendra… Toujours l’Allemagne retarde. Nous voilà dégoûtés du parle-