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Guebbas a répondu qu’Allah le savait sans doute, mais non pas lui, et que tout ce qu’il pouvait promettre était de choisir les soldats de la police parmi les hommes qui offriraient le plus de garanties de fidélité. Cette réponse a été communiquée officiellement par la France et par l’Espagne à toutes les puissances. La conclusion à en tirer n’est pas douteuse : si la nécessité s’impose d’une manière immédiate de pourvoir à la sécurité des ports, la France et l’Espagne devront atteindre le but qui leur a été assigné à Algésiras par des procédés un peu différens de ceux qui y avaient été prévus. En d’autres termes, elles seront sans doute amenées à débarquer quelques troupes, — à titre provisoire bien entendu, c’est-à-dire jusqu’au jour où le rétablissement de l’ordre permettra de revenir à la lettre même de l’Acte d’Algésiras. Rappelons, pour mémoire, qu’il y a huit ports au Maroc, et que l’organisation de la police a été confiée à la France seule à Mazagan, à Safi, à Mogador et à Rabat, à l’Espagne seule à Larache et à Tetouan, et aux deux puissances conjointement à Tanger et à Casablanca. Il ne faut d’ailleurs débarquer des troupes dans les ports que si cela est absolument nécessaire, et au moment où cette nécessité s’imposera. Ce qui s’est passé à Casablanca montre, en effet, que l’opération n’est pas sans danger. D’autre part, l’état de la mer opposera, dans quelques jours, de plus grandes difficultés aux débarquemens, ce qui pourrait conseiller une exécution plus rapide : les gouvernemens français et espagnol disposent seuls d’assez de renseignemens pour prendre une décision à ce sujet.

Parmi les ports, les uns inclinent du côté de Moulaï-Hafid ; d’autres sont restés fidèles à Moulaï Abd-el-Aziz. Les deux sultans semblent reconnaître pour eux une égale nécessité de se rendre à Rabat, et aucun ne se décide à le faire. Celui-ci hésite à quitter Fez et celui-là à quitter Marakech. Si l’un d’eux vient à Rabat, — et on assure une fois de plus qu’Abd-el-Aziz est décidément sur le point de le faire, — ou s’ils y viennent l’un et l’autre, on se demande quelle sera la situation de la ville, et quelle figure pourra y faire un mince détachement européen. À Mazagan, une question embarrassante s’est posée à nous. Il y avait là un dépôt de 4 000 fusils et de 1 500 000 cartouches appartenant au sultan ; mais à quel sultan ? À Abd-el-Aziz sans nul doute : il en avait fait la commande, et au surplus, jusqu’à nouvel ordre, les puissances ne connaissent pas d’autre sultan que lui. Mais la population de Mazagan s’est prononcée en faveur de Moulaï-Hafid, et celui-ci réclamait impérieusement fusils et cartouches, en demandant qu’on les lui envoyât à Marakech. Le mieux, pour nous, aurait