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duc d’Orléans, comme si ces malheureux événemens n’avaient pas été naturels. Pour dissiper une aussi noire accusation, il n’y a pas d’honnêteté et de marques d’honneur et de confiance (onesta et dimostrazione d’onore et di confidenza) dont le Roi n’ait affecté d’user vis-à-vis du duc d’Orléans lui-même, lequel se tenait assidûment à la Cour et à côté du Roi. »

Ce serait aujourd’hui prendre une peine superflue que de disculper le duc d’Orléans de cette odieuse accusation ? « Un monstre vomi par l’enfer, » suivant l’expression de Saint-Simon, aurait seul pu concevoir le dessein de s’ouvrir la voie au trône par une aussi longue série de crimes, car il aurait fallu faire disparaître, non seulement le Duc de Bourgogne et ses deux enfans, mais le duc de Berry. Le duc d’Orléans n’avait pas l’âme aussi noire. L’histoire n’est en droit de lui reprocher que d’avoir gâté, par sa faiblesse, des qualités supérieures d’intelligence, et d’avoir, par ses débauches et son impiété, donné à son temps un exemple trop fidèlement suivi. Mais, loin qu’il eût l’âme noire, il était d’une bonté plutôt excessive, incapable de vengeance et même de rancune, à plus forte raison de scélératesse. Les circonstances extérieures suffisent pleinement à expliquer ces trois morts dont l’imagination des contemporains fut si vivement frappée. Le Duc et la Duchesse de Bourgogne ne furent pas les seuls que le mal emporta ainsi dans la force de l’âge. Quelques jours après, mourut, à quarante ans, Seignelay, le petit-fils de Colbert. Le duc de la Trémoille, dans le palais même de Versailles, avait été à la dernière extrémité, et la Gazette de Hollande de février 1712 évalue à plus de cinq cents le nombre des victimes que fit, tant à Paris qu’à Versailles, l’épidémie de rougeole pourprée. A notre opinion sans valeur, nous sommes du reste en mesure de substituer celle d’un éminent clinicien que nous avons consulté après avoir résumé pour lui, jour par jour, les symptômes du mal auquel succombèrent successivement le mari et la femme, et qui nous a répondu : « Autant qu’on en peut juger par les documens incomplets qui nous ont été légués, la Duchesse de Bourgogne est morte de rougeole maligne. On était alors en pleine épidémie de rougeole ; la rougeole régnait à Paris et à Versailles dans le palais même… Les fièvres éruptives (variole, scarlatine, rougeole) n’évoluent pas toujours d’une façon classique ; on observe parfois, surtout en temps d’épidémie, des fièvres éruptives dites anormales, frustes,