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discussions, non de chicanes, « exempt de toute tendance égoïste, de toute passion, susceptible de supporter la contradiction, s’intéressant à toutes les questions importantes, mais ne s’engageant à fond que sur les questions capitales, et cela le plus rarement possible. » Mallinckrodt concevait ce journal comme une salle de conversation, où les avis s’échangeraient avec liberté ; comme une école très large, très aérée, où le public catholique apprendrait à penser, et qui ferait, insensiblement, l’éducation de ce public. Il y aurait là une gestation longue et discrète, et plus tard le parti surgirait, comme sortit Minerve, bottée, éperonnée, du crâne de Jupiter.

Tandis qu’en Autriche et dans les États du Sud, où l’agitation anticoncordataire provoquait quotidiennement les plumes catholiques, on songeait à multiplier les journaux ; tandis qu’à Vienne le nonce de Luca, tandis qu’à Mayence l’évêque Ketteler et le chanoine Heinrich, dessinaient de vastes projets de journalisme ; tandis qu’à Fribourg une brochure et qu’à Munich un discours de congrès prodiguaient les reproches aux catholiques pour l’état médiocre où ils laissaient leur presse, le catholicisme prussien, plus étranger aux agitations turbulentes, plus patient, plus serein, rêvait moins d’un journal de lutte que d’un journal de direction, qui travaillerait à former, parmi les catholiques, une sorte de conscience collective, très exercée, très délicate, très vivante.

Ce fut Joseph Bachem qui réalisa ce rêve. Montalembert, qu’il avait beaucoup vu durant son séjour en France, lui avait laissé de bonnes leçons d’énergie, et le coup de mort donné à son premier journal par la préfecture de Cologne n’avait pu le décourager. Les Feuilles de Cologne inscrivaient dans leur programme : « Respect de tous les droits bien fondés, obéissance et loyauté envers les puissances placées par Dieu dans l’Eglise et dans l’État, défense des droits de l’Eglise et de la patrie, horreur pour tout despotisme, pour les tentatives révolutionnaires violentes, pour les intrigues démagogiques occultes. » Bachem avait des collaborateurs experts, dont s’honorait le catholicisme allemand ; mais lorsque plus tard quelques-uns d’entre eux demeurèrent rebelles au dogme de l’infaillibilité, son autorité personnelle fut assez prépondérante sur le public pour empêcher qu’ils ne fussent suivis par la foule des lecteurs. A partir du 1er janvier 1869, le journal s’intitula Gazette populaire de Cologne, et