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d’hommes. A première vue, si nous examinons le nombre de nos grosses unités de l’armée de campagne, nous ne constatons pas pour nous un désavantage très marqué : aux vingt-trois corps d’armée allemands, nous pouvons en opposer vingt et un, dont un corps colonial. Ajoutons que le 19e corps entier est en Afrique et ne pourrait vraisemblablement pas envoyer en France des forces importantes. Celles-ci n’arriveraient pas à temps pour la première bataille qui décidera peut-être du sort de la campagne. En outre, il est fort probable que le monde musulman profiterait d’une lutte entre la France et l’Allemagne pour se soulever, nous obligeant ainsi à ne point affaiblir notre armée d’Algérie, étant donnés surtout les événemens du Maroc. En revanche l’Allemagne aurait à maintenir une partie de ses forces sur sa frontière de l’Est. En définitive, notre situation, envisagée seulement au point de vue du nombre de nos grandes unités, paraît assez satisfaisante.

Il convient, afin d’avoir une idée plus exacte et plus précise des réalités, de considérer maintenant les unités des différentes armes qui composent notre armée. Aux 633 bataillons d’infanterie, aux 102 régimens de cavalerie[1] et aux 574[2] batteries de campagne à 6 pièces (3 444 bouches à feu) de l’Allemagne, la France oppose 651 bataillons, 89 régimens de cavalerie, 506 batteries à 4 pièces (2 024 bouches à feu) ; — soit la proportion suivante par rapport aux forces allemandes : infanterie, 102,8 pour 100 ; cavalerie, 87,2 pour 100, artillerie 58 pour 100. Si nous éliminons nos troupes d’Afrique, nous n’avons sur le continent que 598 bataillons, 79 régimens de cavalerie et 494 batteries ou 1976 canons, soit par rapport à nos voisins : infanterie, 94,5 pour 100 ; cavalerie, 77,4 pour 100 ; artillerie, 57,3 pour 100. Ce qui frappe, c’est notre infériorité numérique en cavalerie et surtout en artillerie (5,4 pièces par bataillon en Allemagne, 3,1 seulement en France). Or la campagne de Mandchourie, ainsi que toutes les précédentes, a montré l’importance sans cesse croissante de l’artillerie dans la bataille. Le danger de notre situation à cet égard est donc bien évident.

Les Allemands ont parfaitement compris que, si l’infanterie est toujours la reine des batailles, si elle est toujours larme qui enlève les positions et donne la victoire, elle a de plus en plus

  1. Ce nombre sera atteint seulement en 1910.
  2. Certains documens portent le chiffre de 583 batteries.