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réserves groupées aux ailes et destinées à exécuter les mouvemens débordans, considérés comme la forme unique de la bataille. Aussi chaque division est constituée assez fortement pour agir, dans sa zone, avec ses propres moyens ; elle est, à cet effet, richement dotée en artillerie (12 batteries), tandis que le corps d’armée n’a plus d’artillerie qui lui soit propre (artillerie de corps). Avec ce système, au moment de la rencontre de l’ennemi, l’armée, susceptible de déployer rapidement ses forces, peut donner à l’offensive, partout en même temps, une violence et une énergie maxima dès le début. Ce système, qui paraît être passé à l’état de principe en Allemagne, repose sur cette opinion : 1° que la puissance de l’armement moderne oppose à toute attaque de front une barrière infranchissable, opinion peut-être un peu risquée ; 2° que l’enveloppement est à rechercher comme le seul moyen de gagner la bataille. La supériorité numérique de l’armée allemande l’a conduite tout naturellement à adopter le principe de l’enveloppement qui lui a si bien réussi à Saint-Privat, le 18 août 1870. La répartition pour ainsi dire en cordon de la couverture allemande répond donc à la doctrine admise dans le pays. Elle a cet inconvénient, très sérieux à nos yeux, que, dispersée sur un grand front, la couverture présente forcément des points faibles qu’un ennemi manœuvrier et concentré peut rompre. Le danger est d’autant plus à redouter que le principe allemand semble contraire à toute idée de manœuvre : c’est le sanglier qui fonce droit devant lui.

Pour répondre à la stratégie de nos voisins, que notre infériorité numérique ne nous permet pas d’imiter, nous avons conservé, jusqu’ici du moins, le principe napoléonien de l’emploi d’une avant-garde : il consiste à faire précéder le gros de l’armée d’une forte avant-garde groupée, qui tâte, reconnaît et dont les renseignemens sont utilisés par le haut commandement. Les lianes de cette avant-garde sont protégés contre l’enveloppement par d’autres troupes de moindre effectif qui, en manœuvrant elles-mêmes, donnent à l’avant-garde d’abord, puis au gros le temps de prendre les dispositions nécessaires. En arrière de l’avant-garde, les corps d’armée, groupés aussi, sont prêts à manœuvrer pour se porter sur les points où l’on espère pouvoir percer la ligne ennemie. Dans notre conception, le 20e corps d’armée, au centre vers Nancy, forme pour ainsi dire notre grosse avant-garde dont les flancs sont protégés par les