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de « divertissement » qui va environ de 1649 à 1654, nous est, on le sait, assez mal connue. Pascal ne nous a point laissé à cet égard de confidences, et ses biographes les plus autorisés sont, sur ce point, beaucoup moins précis que nous ne le souhaiterions. Nous savons qu’il vit le monde, qu’il joua, et en compagnie de ses amis d’alors, le chevalier de Méré, Miton, le duc de Roannez, il semble avoir mené assez grand train. A Port-Royal, on a jugé avec une sévérité toute janséniste sa conduite pendant ces années de dissipation mondaine. La mère Agnès déclarait qu’ « il n’y avait pas même lieu d’attendre un miracle de la grâce, en une personne comme lui. » Sa sœur Jacqueline, dans la lettre célèbre du 25 janvier 1655 où elle raconte à Mme Périer la seconde conversion, va jusqu’à écrire, mais en résumant, il est vrai, les paroles de son frère : « Il m’avoua qu’il fallait qu’il eût eu en ces temps-là d’horribles attaches pour résister aux grâces que Dieu lui faisait, et aux mouvemens qu’il lui donnait. » Ailleurs, en écrivant à « son très cher frère » (19 janvier 1655), elle lui dit : « Il me semble que vous aviez mérité en bien des manières d’être encore quelque temps importuné de la senteur du bourbier que vous aviez embrassé avec tant d’empressement. » Ce sont là de bien gros mots ; et Cousin, si intéressé qu’il fût à en tirer parti, nous met justement en garde contre l’exagération de ce langage de moniale. « Si on ne doit pas, écrit-il, prendre trop au tragique ces horribles attaches dont parle ici Jacqueline avec l’exagération janséniste, il est bien permis d’y soupçonner des habitudes tout à fait mondaines, bien que sans dérèglement, et peut-être une noble affection, une chaste et haute amitié. » Au reste, les écrivains jansénistes ont d’eux-mêmes remis toutes choses au point : « Il se mit dans le monde, écrit Mme Périer, Mais, quoique, par la miséricorde de Dieu, il se soit toujours exempté des vices, néanmoins, comme Dieu l’appelait à une grande perfection, il ne voulut pas l’y laisser. » Et ailleurs : « Non seulement il n’avait point d’attache pour les autres, mais il ne voulait point du tout que les autres en eussent pour lui. Je ne parle pas de ces attaches criminelles et dangereuses : car cela est grossier, et tout le monde le voit bien ; mais je parle de ces amitiés les plus innocentes. » Parlerait-elle ainsi, si Pascal avait eu, même dans sa vie mondaine, quoi que ce fût à se reprocher touchant la règle des mœurs ? Marguerite Périer dit à son tour : « Il fut contraint de revoir le monde, de jouer, et de se divertir.