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toujours enclin à en abuser et féru de son droit de conquête. Le second se plaint de l’impertinence, de l’autoritarisme et de la paresse de l’administrateur : celui-ci ne songe qu’à simplifier sa besogne, et il est évident qu’il est plus facile de gouverner sans colons ; de plus, habitué à manier les indigènes en proconsul, il traite le colon comme un sujet.

Le dissentiment vient toujours initialement d’une question d’humeur : même au début de leurs relations, quand on en est encore aux politesses, l’administrateur froisse le colon qui vient lui demander des renseignemens en l’assurant de « sa bienveillance : » sur quoi, le civil français, très susceptible, se récrie : « Bienveillance, monsieur ! Je ne vous demande que de faire votre devoir. Pourquoi êtes-vous payé ? » Ceux qui voyagent à travers Madagascar sont obligés de constater que l’administrateur est toujours en hostilité vive ou cérémonieuse avec les colons : ils sont généralement butors, lui est ferme sur ses prérogatives et, partant, volontiers arrogant. C’est peu : avec le caractère français cela suffit pour perpétuer la zizanie, pousser le différend aux extrémités, parfois jusqu’à l’injustice criminelle : les magistrats ont eu à éclaircir des affaires très graves où l’administrateur n’avait pas hésité à susciter contre le colon de faux témoignages de Malgaches. Les Bureaux de Tananarive, le Gouvernement Général, surchargé de questions indigènes, énervé par un contrôle politique vétilleux, fatalement porté à l’autoritarisme, est incité à « tenir très serré » les colons, gent turbulente, insubordonnée, prompte à se fâcher, impatiente de réformes qui lui soient profitables, fût-ce au détriment des Malgaches. Les Tamataviens et les Tananarivois ont illuminé quand ils ont appris le remplacement du général Galliéni par M. Augagneur ; six mois après, ils en étaient à former contre celui-ci une Ligue, « Ligue de défense des colons de Madagascar. » Cependant aux grandes fêtes nationales, on se rencontre dans des banquets où les toasts s’échangent, épineux, mais fleuris de rhétorique cordiale. Un peu, beaucoup de souplesse harmoniserait les rapports. Ce n’est plus l’exactitude, à laquelle on a renoncé depuis si longtemps, mais la souplesse qui doit être la politesse des gouverneurs généraux ; et de cela sans doute vient que, malgré leur inexpérience des questions coloniales, ce sont encore presque les députés, assouplis par les compétitions publiques, qui ont parfois été les meilleurs gouverneurs de l’Algérie ou de