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situation politique en ce pays et qu’ils n’y exerceront leur influence que dans une direction pacifique, les Anglais ne vont donc pas contre leur politique antérieure ; mais ils obtiennent que la Russie s’incline à nouveau devant le fait accompli et qu’elle reconnaisse à la Grande-Bretagne le monopole de toute action politique en Afghanistan, placé désormais sous le régime d’un protectorat diplomatique. Quant à la Perse, la manière dont l’Angleterre a découpé sa sphère d’influence étend vers le Sud-Ouest cette série de terres interdites, de protectorats négatifs et de zones réservées à l’activité britannique qui, depuis le Yang-tsé jusqu’à la mer d’Oman, enceint et couvre de loin les Indes. Si la zone qui lui est reconnue est relativement peu étendue, elle a du moins le mérite de comprendre le Séïstan dont nous avons signalé plus haut l’importance. Et en effet, le vrai danger qui pouvait venir de la Russie était que l’influence russe ne réussît à s’établir peu à peu à travers le Séistan jusqu’à la frontière de l’Inde, et qu’un chemin de fer stratégique, côtoyant le territoire afghan et aboutissant à l’océan Indien, ne tournât le flanc de la grande position défensive sur la frontière du Nord-Ouest. Avoir obtenu de la Russie qu’elle renonçât à toute ingérence dans cette région, et reconnût son importance dominante pour l’Angleterre, n’est pas une compensation médiocre à la renonciation faite par cette dernière à des demandes de droits égaux dans les régions du Nord du territoire persan.

C’est à des préoccupations de ce genre que répond encore la création de la zone neutre établie en Perse entre la zone d’influence russe et la zone d’influence anglaise. Cette zone neutre vient renforcer la zone d’influence anglaise et fait comme une deuxième zone tampon en avant de la frontière Ouest de l’Inde. Les demandes contradictoires sur lesquelles ont été établies, et l’esprit dans lequel ont été menées les négociations sur ce point n’ont pas été communiqués au public. Mais il n’est peut-être pas impossible de s’en faire quelque idée. La Russie désirait avoir un chemin de fer qui pût, dans l’avenir, ouvrir un débouché aux marchandises de la province transcaspienne et de ses provinces méridionales d’Europe vers le golfe Persique. D’autre part, l’Angleterre désirait, pour l’avenir aussi, relier le réseau de l’Inde au réseau d’Anatolie et d’Europe. Les deux aspirations paraissaient au premier abord inconciliables. En effet, en construisant un chemin de fer du Caucase vers le golfe Persique