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farouche et menaçant, inaccessible au fidèle. La Madone est la Vierge byzantine, impassible et rigide, qui, dans la scène du Calvaire, pleure debout. Les personnages autour de la croix, immobiles et roides, ont des têtes trop grosses, des yeux vides et sans vie, suivant la vecchia maniera greca goffa e sproporzionata dont parle Vasari. On sent le peintre oppressé par l’angoisse religieuse qui pesa sur tout le moyen âge. Quand le soleil d’Assise eut illuminé le ciel italien, l’art, entr’ouvrant son lourd cercueil de plomb, s’élança vers la radieuse lumière. Le vieux drame chrétien se rajeunit et s’humanisa. Les moules usés éclatèrent sous les coulées nouvelles que les artistes, avides et pressés, y jetèrent joyeusement. Le Christ redevint le Fils de l’Homme ; on le représenta couronné d’épines, les yeux fermés, la tête inclinée sur l’épaule, le corps fléchissant et ensanglanté, comme dans ce beau crucifix de bois de la Pinacothèque que le Pérugin accola à l’une de ses œuvres. La Madone hiératique s’attendrit ; maternelle, elle se penche sur son enfant et le serre sur son cœur. En même temps, peintres et sculpteurs regardent la nature, cherchent autour d’eux des inspirations, paraphrasent le Cantique des Créatures. Des arbres, des guirlandes de vigne, des paysages paraissent. C’est ainsi qu’à cette Fonte Maggiore, malgré le délabrement des bas-reliefs et la grille qui empêche d’approcher, on peut distinguer encore des scènes champêtres, les travaux des mois, la cueillette, la chasse et la pêche, des animaux, non plus grimaçans et terribles, mais vrais et vivans, un agneau, un loup, un chien, des oiseaux, un faucon, tous ceux que le Saint avait aimés et auxquels, d’après la légende, il avait si souvent parlé. Le mois d’avril est symbolisé par une femme qui tient une corne d’abondance et une corbeille de roses : n’est-ce pas l’annonce de la Renaissance qui va s’avancer, comme le Printemps de Botticelli, couronné de feuillages et semant des fleurs ?

Boccati, Bonfigli, Fiorenzo : combien j’aime vos œuvres, actes de foi ardente et vive ! Vos couleurs se firent lucides et comme transparentes pour mieux traduire la pureté de vos cœurs ; nulle matière n’en semble épaissir la fluidité limpide. Vos coloris sont rouges comme la flamme de votre amour, ou bleus comme l’azur immaculé de votre ciel où brilla la plus claire lumière qui