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franciscain tel qu’il chantait dans la tête d’un chrétien d’alors, avec toutes ses naïvetés et toutes ses candeurs. Il adapte à la vie du saint les scènes populaires auxquelles il est mêlé chaque jour. Les visages qu’il prête aux acteurs de la légende sont ceux qu’il rencontre dans les rues de la petite ville : Comme décor, il met les paysages qu’il a sous les yeux : les Apennins, le Subasio aux flancs ravinés, Spello, Bevagna au milieu de ses grasses cultures, Montefalco avec ses remparts, ses tours et ses églises. Ce souci du réel le rapproche parfois de nos modernes. La silhouette grave et tranquille de la mère de saint François l’accueillant au haut de l’escalier m’a rappelé Puvis de Chavannes et sa sainte Geneviève veillant sur Paris. Dans la Prédication aux oiseaux, la physionomie du saint est si vraie et si expressive qu’il semble qu’on entende le délicieux sermon : « Mes frères, louez votre Créateur qui vous a couverts de si belles plumes et donné des ailes pour voler dans l’air pur et spacieux. » Tous les oiseaux que Gozzoli voyait autour de lui y sont, les blancs pigeons, les canards, les fauvettes qui chantent dans les buissons, et les hirondelles qui nichent aux murailles de Montefalco. Vraiment toute l’Ombrie, tout le charme et toute la douceur de cette vallée sont résumés là, dans le chœur de cette modeste église, où l’un des plus exquis parmi les peintres du XVe siècle vint glorifier la plus pure idylle qui, depuis le Christ, se soit déroulée parmi les hommes.


GABRIEL FAURE.