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à se débattre, pris de dégoût, il allégua un dérangement de sa santé pour se faire relever de ses fonctions. Il apparaît toutefois, à la nature même du prétexte invoqué, qu’en lui l’énergie, prête à s’exercer contre ceux du parti adverse, hésitait à se compromettre en défendant des patriotes suspects à leur propre parti. Il était de ces hommes chez qui la volonté du bien plie sous la faiblesse du caractère. Répugnant à sanctionner des injustices réprouvées par leur conscience, ils répugnent tout autant à se mettre en lutte ouverte avec les promoteurs influens de ces injustices. Tous les temps, et surtout les temps de troubles civils, ont produit de ces gens-là, réfractaires au mal et cédant néanmoins devant lui. Clément de Ris lui-même n’en est-il pas un exemple ? Ajoutons que si Francastel avait été, avec des instructions spéciales, désigné pour remplacer Guimberteau en Indre-et-Loire, c’était, de toute évidence, non pour le continuer, mais pour faire, au contraire, ce que Guimberteau n’avait pas osé ou n’avait pas voulu faire.

D’autre part, Garnier de Saintes s’était trop avancé en comptant sur l’énergie de Francastel pour secouer la tyrannie de Mogue. Il la secoua d’autant moins, qu’empêché, pour un motif ou pour un autre, de quitter Angers, il laissa Mogue le précéder à Tours. Là, celui-ci fut aussitôt accaparé par le parti de la commune, et amené à s’entendre avec lui, à entrer dans le complot ourdi par Senard et ses acolytes contre ceux qu’on voulait perdre. Il résulte, en effet, d’une enquête ultérieurement[1]ouverte, que l’intrigue avait été habilement préparée. Senard s’était rendu de sa personne à Châteaurenault[2]pour frayer la voie. Il y avait cherché, sollicité, trouvé des mécontentemens prêts à seconder ses desseins et à servir ses rancunes, et finalement il avait, dans un repas d’adieu, tenu ce propos significatif : « Je sais que j’ai des ennemis ; mais attendez une décade, je les déjouerai bien. » Sur ces entrefaites, Mogue arrive à Tours. On ne perd pas de temps. Il est pris au débotté, prévenu, flatté, pressé d’agir, de recueillir des renseignemens à Châteaurenault. Il se laisse convaincre, et, incontinent, demande audience au Conseil du département et y remet la réquisition suivante[3] :

  1. Le 16 germinal an II (5 avril 1794).
  2. C’étaient, on l’a vu, les électeurs du district de Châteaurenault qui avaient envoyé Clément de Ris siéger au Conseil du département.
  3. Registre des délibérations du Directoire du département d’Indre-et-Loire. — Registre de l’Intérieur.