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Département et la Société populaire se sont souvent élevés contre les intrigues, contre les auteurs de la prolongation de la guerre de Vendée, ils ont soulevé un coin du voile de cette conspiration qui, j’espère, sera un jour connue de toute la France. Il est vrai qu’ils ont dénoncé Carra, Quétineau, et plusieurs autres contre-révolutionnaires ; il est vrai qu’ils ont dénoncé les états-majors inutiles, les freluquets épauletiers, les généraux de brigade de vingt et un ans, les dilapidations des hommes inutiles, les brigandages de certains agens du conseil exécutif, l’immoralité de certains comédiens devenus sans s’en douter des hommes importais et qui, pour avoir changé de théâtre, n’ont pas changé de principes[1]. Mais, ces torts, ils les partagent avec tous les bons citoyens. »

A la Société populaire, l’indignation s’était affirmée plus forte que nulle part ailleurs. Sitôt l’arrestation des deux administrateurs connue, les membres avaient été convoqués pour protester contre l’accusation et aviser aux moyens d’agir en faveur des accusés. Mogue et Senard se rendirent à la séance, avec espoir d’intimider le vote. La discussion fut violente, le tumulte indicible, la séance révolutionnaire au premier chef : le club délibérant, Senard pris à partie par le plus grand nombre, défendu par quelques fidèles ; les tribunes garnies de poissardes tenant pour Senard et pour Mogue, vociférant, huant dès qu’on incriminait ce dernier, applaudissant avec frénésie dès qu’un membre hasardait son éloge, le tout avec échange de lazzis, de quolibets, de propos grossiers qu’on ne peut rapporter ; au premier rang, la femme Sailly et la femme Sanson, celle-là ne tarissant pas sur les mérites de Mogue, celle-ci se répandant en mauvais propos sur les membres de la Société, et répétant à qui voulait l’entendre, qu’avant deux mois « il y aurait plus de 200 têtes d’aristocrates à bas, et des bonnets rouges 43. » Interrogée par un assistant sur les motifs de l’arrestation, « Tu ne sais que cela ! » répondit-elle, et, tournant le dos, elle ajouta en ricanant : « Il y en aura bien d’autres[2] ! » Ni d’elle, ni de-personne on ne put rien tirer de plus précis.

  1. Allusion à Ronsin, vaudevilliste improvisé soldat, nommé capitaine le 1er juillet, général quatre jours après, et dont la suffisance n’avait d’égale que l’insuffisance. Il avait trouvé en Clément de Ris un opposant décidé.
  2. Déclarations, devant la Commission d’enquête du 16 germinal, de Marguerite Malha, veuve Lefebvre, et de Marie Chassepied, femme Manchonnier.