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a un très joli profil et une taille admirable et particulièrement distingués.

Vous serez, comme moi, enchanté de l’abandon du voyage eu Grimée, bien que je croie qu’au point de vue de la campagne, c’eût été une bonne chose…


Mémorandum par la reine Victoria.


Buckingham Palace, 2 mai 1855.

La récente visite que vient de faire ici l’empereur Napoléon III est une très curieuse page d’histoire et inspire de nombreuses réflexions. Un concours remarquable de circonstances a déterminé l’alliance très étroite qui unit maintenant l’Angleterre et la France, qui furent pendant tant de siècles des ennemies et des rivales acharnées, et c’est sous le règne de l’Empereur actuel, le neveu de notre plus grand adversaire, qui porte le même nom, que se produit cette réconciliation, provoquée presque entièrement par la politique de feu l’empereur de Russie, qui se considérait comme le chef de l’Alliance européenne contre la France !

En réfléchissant au caractère de l’empereur Napoléon, et à l’idée que je m’en fais, les pensées suivantes se présentent à mon esprit :

L’Empereur est un homme très extraordinaire, avec de très grandes qualités avérées, il doit avoir sans aucun doute, — je pourrais même presque dire un homme mystérieux. Évidemment il possède un courage indomptable, une fermeté de dessein inébranlable, de la confiance en lui-même, de la persévérance, et une grande discrétion ; j’ajouterai encore une grande confiance en ce qu’il appelle son étoile : il rattache les présages et les incidens à sa future destinée avec une foi, qui est presque romanesque ; — et en même temps, il est doué d’un merveilleux empire sur lui-même, d’un grand calme, on peut même dire d’une grande douceur et d’une puissance de séduction, qui est très vivement ressentie par tous ceux qui vivent davantage dans son intimité.

Jusqu’à quel point est-il influencé par le sentiment moral de ce qui est juste, ou ne l’est-il pas, c’est bien difficile à dire. D’un côté, ses tentatives de Strasbourg et de Boulogne, cette dernière surtout, après avoir solennellement promis au roi des Français de ne plus rentrer en France et de ne plus recommencer, il somma publiquement ses sujets de se rallier autour du successeur de Napoléon ; le Coup d’État de décembre 1851 suivi