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d’ouvrir l’Essai sur l’inégalité des races humaines[1]ou l’Histoire des Perses[2], pour voir aussitôt que la méthode gobinienne a peu de traits communs avec la méthode rigoureuse qu’on essaye maintenant d’appliquer aux sciences historiques comme aux sciences naturelles.

Aussi bien, son objet essentiel ressort-il de la fantaisie ! Il s’agit, en effet, pour Gobineau, d’établir la prépondérance continue de la race blanche, et particulièrement des Aryans, dans la concurrence des races humaines. D’après lui, supérieure aux autres par son énergie, son intelligence, sa persévérance et son idéal, inférieure seulement « sous le rapport sensuel, » ce qui ne la gêne que dans ses peuplement, c’est elle seule qui a créé la meilleure humanité, rendu possibles et accompli les progrès dont nous nous targuons. Notez que les qualités qui l’ont servie ne sont pas des qualités qu’elle aurait acquises au cours des siècles ; ce sont des qualités innées, qu’elle possédait par elle-même dès ses plus lointaines origines :


Habile dans les principaux arts mécaniques, ayant assez médité déjà sur l’art militaire pour en faire quelque chose de plus que les rixes élémentaires des sauvages, et souveraine de plusieurs classes d’animaux soumis à ses besoins, cette race se montre à nous, placée vis-à-vis des autres familles humaines, sur un tel degré de supériorité, qu’il nous faut, dès à présent, établir, en principe, que toute comparaison est impossible par cela seul que nous ne trouvons pas trace de barbarie dans son enfance même. Faisant preuve, à son début, d’une intelligence bien éveillée et forte, elle domina les autres variétés incomparablement plus nombreuses, non pas encore en vertu d’une autorité acquise sur ces rivales humiliées, mais déjà de toute la hauteur de l’aptitude civilisatrice sur le néant de cette faculté[3].


Pour maintenir sa suprématie, la race blanche n’aura donc qu’à continuer d’exister. Car, — et ici intervient une des théories les plus originales peut-être et les plus fécondes de notre auteur, — la force vitale des races et des sociétés qu’elles forment ne dépend pas des circonstances extérieures, telles que le sol ou le climat, ni de leurs qualités ou de leurs vices, — fanatisme, par exemple, ou mauvaises mœurs, — et non plus de leurs institutions ou de leur religion. Elle est un fait permanent. Seule, la race blanche a créé les dix grandes

  1. 2e édition, 2 vol. in-18. Paris, Firmin-Didot, 1884.
  2. 2 vol. in-8o. Paris, Plon, 1869.
  3. Essai, I, 234. — Cité en partie par Seillière, p. 27.