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leur qualité quasiment religieuse, presque tous les élémens qui leur ont permis de grouper tant d’adhésions ardentes, de relever tant de fois douteuses, de devenir peu à peu, pour tant d’esprits simplistes ou compliqués, l’Annonciation d’un nouveau Règne.

C’est à ce point, je crois, qu’on verra le mieux de quelle manière la théorie de l’Impérialisme prolétarien vient appuyer, éclairer et compléter celle de la lutte de classes, qui est l’une des plus efficaces que le socialisme ait conçues ou appliquées à ses besoins. Elle a été trop souvent exposée pour qu’il soit nécessaire de la reprendre ici, et j’en ai déjà dit ailleurs à peu près tout ce que j’en pourrais dire[1]. Mais qui ne voit ceci : si vraiment les grands événemens de l’histoire sont conditionnés par le besoin et se ramènent ou se résument aux péripéties tantôt aiguës, tantôt plus lentes de la lutte des classes, on peut croire que la bataille décisive est engagée en ce moment entre les deux classes en lesquelles semble se condenser toute la combativité humaine, les capitalistes et les prolétaires : puisque les intérêts de l’aristocratie et de la bourgeoisie se confondent maintenant presque partout, et puisque nous ne voyons pas de couches nouvelles s’avancer derrière le prolétariat. Les théoriciens du socialisme n’ont aucun doute sur l’issue de ce gigantesque conflit ; plusieurs prophétisent qu’il se terminera par l’émancipation économique de la classe pauvre, comme les conflits sociaux de l’antiquité se sont terminés par la suppression de l’esclavage. Le plus profond d’entre eux, M. George Sorel, explique à merveille comment, par suite de la transformation des questions politiques en questions économiques, le problème paraît approcher de sa solution : « Les groupemens anciens étaient surtout politiques, dit-il, c’est-à-dire constitués principalement pour la conquête du pouvoir ; ils recueillaient tous les gens audacieux, n’ayant qu’une médiocre aptitude pour gagner leur vie par le travail. Les groupemens nouveaux sont professionnels ; ils ont pour base le mode de production de la vie matérielle et en vue les intérêts industriels ; ils sont donc susceptibles, d’après les principes du matérialisme historique, de servir de support à la structure socialiste[2]. » Un autre écrivain,

  1. Voyez dans le Correspondant du 10 décembre 1906 mon article : le Matérialisme historique et M. G. Ferrero.
  2. L’avenir socialiste des syndicats, nouvelle édition, in-18. Paris, Jacques, 1901, p. 46-47.