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pauvres à qui l’on fait l’aumône. Ils ne tendaient pas la main, ils travaillaient, et de se secourir ainsi eux-mêmes par leur travail ils ressentaient une légitime fierté et un parfait contentement. Mme Hervieu, pour me montrer avec quel zèle ils cultivaient ces jardins, me priait de remarquer que pas un pouce de terrain n’y était perdu. Même, aux heures où ils sortaient de l’atelier, plusieurs d’entre eux ramassaient dans les rues et sur les routes, tout ce qui pouvait leur servir économiquement. Les demandes de terrain affluaient, et l’on ne pouvait, — tant s’en fallait ! — toutes les contenter. In enfant de quatorze ans avait supplié Mme Hervieu de lui accorder quelques mètres carrés ; c’était l’aîné de sept orphelins de père. Elle hésitait, ne voyant pas qui pourrait aider cet enfant. Il répondit qu’il serait aidé par son frère : or son frère avait deux ans de moins que lui. Elle hésitait toujours. « Je vous jure, dit-il, que je travaillerai bien, car je ne veux rien demander à personne. » Elle leur donna 720 mètres carrés : depuis deux ans qu’ils les avaient, on ne pouvait que les féliciter. Mme Hervieu venait alors d’ajouter à son œuvre un rameau nouveau. Dans un champ dit d’expérience, elle étudiait la valeur des différentes variétés de légumes, et tâchait de ramener en faveur d’anciennes cultures, particulièrement la culture des oeillettes avec lesquelles on fabrique de l’huile, et qui était autrefois si répandue et si prospère dans l’Artois.


Voilà une œuvre d’assistance par le travail qui s’étend à tous les membres d’une famille. Ce n’est pas seulement le père, ou la mère, ou les enfans qu’on assiste, c’est à la fois le père, la mère et les enfans. L’Œuvre du travail au foyer, sous un mode différent, s’adresse également à la famille entière.

On se plaint, — et on ne se plaindra jamais assez, — de l’émigration qui, depuis des années nombreuses déjà, entraîne vers les villes paysans et paysannes. L’existence devenue très dure aux champs, avec les impôts qui s’accroissent chaque année, l’inclémence des saisons, l’emploi de plus en plus grand des machines agricoles et la faiblesse des salaires, expliquent cette émigration. Mais pour un qui gagne sa vie à la ville, combien restent sans place et sans ouvrage, et connaissent une misère plus cruelle qu’à la campagne ! L’exode cependant continue. Il faut l’arrêter et, pour y réussir, il faut avant tout retenir la femme au village. On dit avec raison qu’où se trouve la femme