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jeunes gens tenaient à répandre, et que leurs correspondans tenaient à lire, peu importait ce retard. Les passions étaient vives alors en France, et les esprits se mêlaient à la lutte avec une ardeur parfois féroce. Ces jeunes gens mettaient à accomplir leur petite besogne une conviction, et, si je puis dire, une foi, qu’on eût voulu utiliser pour un autre objet.

Taine eût pu en cette année 1899, s’il avait encore vécu, formuler le même conseil qu’en 1872. Pourquoi ne pas imiter l’exemple de ceux qui mondent les cafés de journaux rouges ? Pourquoi ne pas faire porter à l’auberge, au cabaret, où le soir les villageois passent une heure, le journal que nous recevons et que nous avons lu ? Il profiterait ainsi à autrui et, comme souvent tout journal manque à l’auberge, celui-là seul régnerait. Pourquoi ne pas combattre la diffusion des journaux rouges par une diffusion aussi pénétrante des journaux qui défendent ce que nous croyons être la vérité ?

Une idée aussi simple ne devait être réalisée que longtemps après avoir été exprimée. L’Association, nettement sectaire, « Les Journaux pour tous, » existait depuis 1890, et nulle association contraire n’était constituée. Ce fut une femme, et la femme de M. Taine, qui reprit l’idée émise en 1872. En avril 1902, Mme Taine fonda la Presse pour tous. Un Comité central siège à Paris, aujourd’hui, 10, rue d’Anjou. Si l’on verse une somme de cent francs, on est fondateur ; si l’on verse une somme de vingt francs, on est souscripteur ; si l’on verse une somme inférieure à dix francs, on est affilié. Tout d’abord l’œuvre propose à chacun de ses membres d’envoyer son journal, après l’avoir lu, à un destinataire de son choix. Comme il est important de bien choisir ce destinataire, elle fournit des noms et des adresses. Des correspondans, par des enquêtes conduites sur les lieux, renseignent sur l’esprit de chaque région, indiquent quelles sont dans ces régions les personnes les plus influentes, celles dont l’opinion agit sur l’opinion des autres, les individus, comme le coiffeur, le cafetier du village, dont les maisons sont des centres de réunion et chez qui se rassemblent les habitans. Encore faut-il que le journal plaise au lecteur, et corresponde à sa mentalité : c’est là ce que doit apprendre le correspondant, afin que les efforts tentés ne demeurent pas stériles. L’œuvre ensuite paie à des propriétaires ou gérans d’établissemens publics des abonnemens à certains journaux parisiens, régionaux et