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composition, son organisation, ses moyens d’action, a son caractère propre. Mais ce qui la caractérise plus spécialement encore, c’est la base même sur laquelle elle établit ses œuvres de mutualité. La mutualité, naguère, était individualiste : elle ne recevait que des hommes et ne désirait pas recevoir des femmes. La moyenne des malades étant plus élevée chez les femmes que chez les hommes, la femme mutualiste alourdissait le budget de la mutualité : quelques mutualités mixtes se formèrent cependant.

Mais M. Cheysson remarque avec raison qu’en accueillant dans ses rangs la femme et l’enfant, la mutualité les traitait, à leur tour, comme elle avait traité le père, c’est-à-dire comme des individus isolés, et non comme les élémens de ce tout harmonique qui est la famille. L’Union mutualiste a voulu réparer cette erreur : elle accueille la famille en tant que famille, soit le père, lanière et les enfans. Elle va même plus loin et, jugeant que la profession est une grande famille, elle élargit la base familiale jusqu’à la base professionnelle. Si la famille noue entre les hommes des liens étroits, la communauté de métier noue aussi des liens robustes. « Si l’on réunit dans la même association, écrit M. de Contenson[1], des gens de métiers par trop dissemblables, on risque de ne pouvoir procéder ensuite avec équité pour la répartition des indemnités, car il est des maladies et des accidens particulièrement fréquens dans certaines professions, des indispositions que cause un travail spécial, et qui ne se rencontrent pas dans le métier d’à côté. Or, si toutes les professions sont mélangées dans la même société de secours mutuels, ce seront celles où l’on se porte bien qui payeront pour celles où l’on est le plus éprouvé.

« Enfin il est un fait qui ne me semble pas avoir jusqu’à présent suffisamment frappé l’opinion publique, c’est que, dans certaines industries, un homme est usé à cinquante ou cinquante-cinq ans et sent alors le besoin de jouir d’une pension de retraite, tandis que dans l’agriculture, par exemple, un homme est souvent robuste de soixante à soixante-cinq ans et rend des services, même à cet âge. Or, si l’on met ces deux hommes dans la même société de secours mutuels, il arrivera que l’un aura droit trop tard à sa retraite : c’est l’ouvrier de l’industrie aux organes

  1. Syndicats, mutualités et retraites, par L. de Contenson, p. 224, Librairie académique, Pétrin et Cie.