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annonce que son fils épousera l’Infante, qui peut devenir reine demain ! Et il se Rome à dire : « C’est seulement une affaire de famille ! » Le Roi aime beaucoup l’Angleterre, et encore plus la paix, et il ne peut pas la sacrifier pour un acte de mauvaise foi et le mariage d’un de ses fils. Sans doute il n’est pas question de guerre imminente, mais ce projet pourrait tendre les relations avec nous et d’autres puissances, et conduire probablement à une guerre sous peu. Aucune querelle ou aucun malentendu ne pouvait m’être plus désagréable et plus cruellement pénible, car ce conflit a un caractère très personnel, et bouleverse toutes nos communications et correspondances : c’est par trop ennuyeux. C’est bien triste aussi pour la pauvre Louise, à laquelle on ne peut pas dire que son père s’est conduit malhonnêtement. J’espère cependant que la semaine prochaine nous apportera une éclaircie


La reine Victoria au roi des Belges.


Château de Windsor, 29 septembre 1846.

Mon très cher oncle,

J’ai reçu la semaine dernière votre si aimable et si satisfaisante lettre. Votre opinion au sujet de cette affaire vraiment malheureuse, et, de la part de la France, déshonorante, nous est d’un grand soutien. Stockmar vous a, je sais, appris ce qui s’est passé, et vous enverra la copie de la lettre du Roi et ma réponse. Notre conduite a été honnête en tous points, et celle du Roi et de Guizot a été le contraire Comment le Roi peut-il, de gaieté de cœur, sacrifier l’amitié de ceux qui sont liés à lui par une sincère affection, à un rêve incertain d’ambition personnelle et familiale : c’est inexplicable pour moi et pour tout le pays. Je crains que jamais je ne puisse de nouveau avoir confiance en lui, et Peel, qui est ici en visite, déclare qu’une guerre peut éclater à n’importe quel moment, du moment que la bonne entente est troublée. Et penser que le Roi a fait cela dans sa soixante-quatorzième année, et laisse cet héritage à son successeur ; et à qui ? à un petit-fils, à un mineur ! Notre amitié était de la plus grande importance pour Nemours et Paris. Et néanmoins il préfère l’ennui de gouverner l’Espagne, qui sera une source constante de préoccupations et d’anxiétés, à la cordiale