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sentimens. Beaucoup de gens sages répètent des phrases qu’ils prétendent avoir recueillies de votre propre bouche, telles que « ce Louis-Philippe, on ne saurait jamais s’y fier : il n’est, après tout, qu’un vieux renard, » etc.

Le discours du trône fut aussi irréprochable que possible. J’espère qu’il n’y aura aucune amertume dans le vôtre. C’est autant, sinon plus, dans l’intérêt de la Grande-Bretagne que dans celui de la France, de conserver la tranquillité en France et de continuer une politique pacifique. La France, comme le dit une fois très justement le vieux duc[1], a déjà été sous l’eau plusieurs fois ; ce qui pouvait être détruit a été détruit, ce qui reste est joliment solide. Attaquer la France en France aurait les plus dangereuses conséquences. D’une façon générale, si nous avions encore une fois une grande guerre, vous seriez sûre qu’il y aurait partout des révolutions ; et croire que vous échapperiez, en Angleterre, à toute réaction, serait une grave erreur. Quand on regarde les modifications provoquées en Angleterre par la révolution de Juillet, on est tout à fait épouvanté. Ici, ils n’ont changé que la dynastie. En Angleterre, l’esprit même de la vieille monarchie a été détruit ; et quelles en seront les conséquences dans le cours des temps, ce n’est pas facile à dire. Une mauvaise Constitution agit fortement sur le peuple. Voyez l’Amérique, et même la Belgique. Toujours, ma très chère Victoria, votre oncle dévoué.


Le roi des Belges à la reine Victoria.


Laeken, 1er janvier 1848.

Ma très chère Victoria,

C’est un triste commencement d’année. Notre pauvre tante Adélaïde[2], si bonne pour nous, a quitté cette terre hier malin. La pauvre Louise ressent terriblement celle perle, car il n’est pas possible d’être plus affectueuse ni plus maternelle qu’elle ne l’était pour Louise. Elle fut toujours vis-à-vis de moi pleine de bonté et d’amitié, et je dois avouer que ce coup m’est bien douloureux. Je suis très inquiet du pauvre Roi ; il doit sentir cruellement la perte d’une sœur et d’une amie, qui lui était si

  1. Le duc de Wellington.
  2. Sœur du roi Louis-Philippe.