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parlons pas des membres de la droite, ou des catholiques comme M. Grousseau ; on nous répondrait qu’ils sont suspects et que leurs opinions générales déterminent leur sentiment sur ce cas particulier. Mais peut-on en dire autant de M. Chaigne, qui est un radical socialiste, ou de M. Labori, qui en est un lui aussi ? Peut-on même île dire de M. Paul Beauregard, qui est un progressiste ? Seulement tous ces orateurs sont des juristes, des avocats, des professeurs de droit, et cela suffit pour qu’ils s’élèvent avec force contre un projet de loi qui fait litière des principes qu’ils ont l’habitude d’appliquer, de professer, de respecter. Faut-il rappeler que l’Église est hors de cause dans cette affaire ? Le pape Pie X, avec un geste dont nous avons regretté la hardiesse et dont nous continuons de déplorer les effets mais qui a été empreint de noblesse et de grandeur, a mieux aimé repousser les biens ecclésiastiques que d’accepter les conditions auxquelles on les lui offrait. Ils devaient être recueillis par des associations cultuelles, faute de quoi la loi de séparation les attribuait aux communes, pour être affectés à des œuvres de charité. Ils sont donc devenus les biens des pauvres, dit M. le ministre des Cultes, et, à ce titre, ils présentent un intérêt sacré. Soit ; la charité est une bonne chose, mais à la condition de la faire avec son argent et non pas avec celui des autres ; et on la fait ici avec un argent que, dans certains cas, les héritiers des donateurs ont le droit de revendiquer.

D’après la loi de 1905, ce droit appartient aux héritiers en ligne collatérale et aux légataires universels, si les conditions mises à la donation ne sont pas remplies. Dans la plupart des cas, ces conditions se rapportent à des musses que la donation ou le legs avait pour objet de faire dire, et qui ne seront pas dites : tous les héritiers, qu’ils soient directs ou indirects, peuvent dès lors exercer une action en révocation. La nouvelle loi prive de cette faculté les collatéraux et les légataires universels, c’est-à-dire le plus grand nombre des ayans droit, car les fondations de messes, du moins lorsqu’elles ont une certaine importance pécuniaire, sont le fait d’ecclésiastiques ou de célibataires, plutôt que de pères de famille. Il y a là une véritable iniquité. Nous reconnaissons toutefois qu’une loi nouvelle peut la commettre ; mais une loi nouvelle n’a pas d’effet rétroactif, et le gouvernement entend donner cet effet à la sienne ; aussi décide-t-il que c’est une loi interprétative qui a pour objet, non pas de modifier, mais d’éclairer la loi de 1905, en fixant avec plus de netteté les intentions du législateur de cette époque. Dès lors, toutes les procédures déjà entamées tombent ipso facto, à quelque point qu’elles soient parvenues,