Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/806

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’empêchera de dire qu’il n’a pas eu un sou. Il voulait bien que je… remarque la splendeur où il fait vivre Liselotte, et la beauté de ses appartemens, pour que je visse qu’elle a raison d’être contente et qu’il ne la traite point à proportion de ce qu’il avait eu avec ni le. Mais comme vous dites très bien, il n’y a point de comparaison à faire entre la mère et la fille, et je ne dois point m’intéresser pour celle-là ; ayant fait ma commission, j’en suis quitte. Mais je crois qu’on appréhende qu’elle[1] aille en France, où Liselotte ne serait pas bien aise de la voir. »

C’était Monsieur qui, avec plus de générosité que de prudence, avait proposé de faire venir Charlotte, et de lui arranger en France une retraite décente. Madame s’y opposait, par des raisons qui ne sont pas à son honneur ; elle redoutait la dépense et les ennuis d’une pareille charge. A défaut de tendresse, Liselotte ne s’était pas trouvé le moindre grain de pitié pour cette malheureuse qui était sa mère, qui lui avait été bonne dans son enfance, et à qui, en définitive, on ne pouvait reprocher que d’être devenue ce que nous appelons une neurasthénique, par l’effet de l’humeur insupportable de Charles-Louis. On sut que le Roi ferait une pension à la mère de Madame, et Madame ne désarma point ; elle alléguait maintenant les difficultés d’étiquette. Reprenons les textes.

Charles-Louis à la duchesse Sophie, le 29 novembre 1679 : « La question n’était pas de la somme de la dot, mais s’il tenait à moi qu’elle n’ait été payée, que Monsieur l’appelle grande ou petite chose. Je n’ai jamais douté que Liselotte n’eût raison d’être contente, mais pour ce qui est de la splendeur de ses appartemens, je crois qu’il y a des banquiers à Gênes qui en ont qui ne leur céderaient guère, et pour le reste de son vivre, il est établi dès longtemps comment les femmes des frères du Roi doivent être servies, de quoi, comme l’on m’a dit pour certain, Monsieur ne peut autrement disposer. » La duchesse Sophie répondit en personne piquée : « (21 décembre.) Il paraît, bien que vous n’avez pas vu la splendeur, comme vous l’appelez, des banquiers de Gênes, pour la comparer à celle de M. le duc d’Orléans, qui n’est pas à la marchande. Pour moi qui trouve que c’est une grande partie de la douceur de la vie d’être bien logée et d’avoir un beau jardin, comme aussi d’être bien servie, que ce soit par règle ou

  1. Charlotte, mère de Madame.