Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/812

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régler la production : le but unique du cultivateur est de retirer du sol la récolte maximum qu’il croit pouvoir en extraire. Tout au plus exerce-t-il son jugement sur le choix des semences : la baisse du sucre le déterminera à planter moins de betteraves et la hausse du blé à augmenter ses emblavures de froment ; mais la moisson une fois terminée, il faut vendre ; la nature périssable des denrées alimentaires fait qu’on ne peut les conserver longtemps ; la valeur même en décline assez rapidement dès qu’elles sont en magasin et l’espace de temps pendant lequel on peut les conserver est relativement très court. Du reste, en dépit de certaines surproductions apparentes qui ont beaucoup ému les intéressés, comme celle du café au Brésil et des raisins en Grèce, et qui devaient se corriger aisément par l’ouverture de nouveaux débouchés, nous pouvons dire qu’il est jusqu’ici sans exemple que l’humanité souffre d’un excès de récoltes : le nombre de ceux qui ont faim est encore grand, et l’économiste frémit lorsqu’il entend sérieusement proposer de jeter à la mer des sacs de café ou des caisses de raisins pour relever le cours de ces denrées. Les bas prix arrêteront tout au plus la plantation de nouveaux ceps de vigne ou de caféiers ; ils pourront peut-être même, sur certains points, en provoquer l’arrachage et le remplacement par d’autres cultures plus rémunératrices.

En présence de l’accroissement régulier de la population du globe et de l’impossibilité d’étendre d’un centimètre carré la superficie de celui-ci, il est évident que le problème alimentaire consiste à accroître et non à restreindre la production. Nous pouvons donc conclure qu’il n’y aura jamais de crise agricole, en ce sens qu’il n’y aura pas, au moins aussi longtemps que les conditions actuelles de l’humanité ne seront pas radicalement transformées, d’excès de production vraiment invendable. Au contraire, les crises de hausse sont fréquentes sur ce domaine : bien que, pour les raisons que nous venons d’exposer, elles soient très atténuées par la facilité des communications, elles sont encore sensibles ; à l’heure même où nous écrivons, les céréales sont recherchées dans le monde entier. Il est avéré que la récolte de blé de 1907 est inférieure à celle de 1906 d’environ cent millions de quintaux, c’est-à-dire d’un septième environ, et sur certains marchés les prix en septembre dernier ont dépassé de près de 20 pour 100 ceux qui se pratiquaient l’année dernière à pareille époque.