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rapport à la population que chez aucune autre nation, la France exceptée ; et si l’on tient compte de la circulation de dépôts qui, dans le monde moderne, doit être considérée comme un instrument monétaire, on arrive à la conclusion que l’Amérique dépasse de beaucoup même la communauté européenne la plus favorisée à cet égard. En recherchant plus profondément les causes véritables de la tourmente, on trouve que la crise américaine a eu quatre ordres de causes distinctes les unes des autres. La première est une cause générale, commune à tous les pays ou du moins à l’ensemble des nations industrielles et commerçantes : c’est l’oscillation régulière qui, après une période de développement excessif et d’inflation des prix, ramène le calme dans les affaires, remet au point les entreprises, consolide les bonnes et fait disparaître celles qui ne sont pas établies sur des bases saines, ou les force à se réorganiser. La baisse qui a précipité les cours des métaux, cette matière première indispensable à la plupart des industries, n’a pas été limitée aux États-Unis et s’est produite à la même heure dans le monde entier. La cherté des capitaux disponibles, autre signe caractéristique des crises, ne s’est pas non plus limitée aux places américaines : il y a aujourd’hui des liens trop intimes, trop d’intérêts communs entre les divers marchés financiers, pour que les taux d’escompte et d’avances qui se pratiquent sur l’un d’eux n’aient pas leur répercussion sur les autres.

Ici toutefois le nivellement est loin d’être aussi prompt et aussi complet que pour les marchandises. Nous avons vu pendant des semaines le loyer des capitaux atteindre à New-York des hauteurs formidables, presque inconnues dans l’histoire moderne, sans que la place de Paris connût rien de semblable ; les reports, c’est-à-dire les avances consenties sur valeurs mobilières qui se négocient à la Bourse, n’ont jamais dépassé 5 à 6 pour 100 en France, au cours de l’automne 1907, alors que les câbles nous apprenaient qu’à Wall-Street ils coûtaient 50, 60, 70 pour 100. L’escompte du papier de commerce, qui n’a pas dépassé 4 pour 100 chez nous, était souvent difficile à 12 pour 100 de l’autre côté de l’Atlantique.

L’Allemagne, parmi les pays européens, est celui qui a le plus vivement senti les effets de la crise. Cela est aisé à comprendre : car c’est celui qui s’était le plus rapidement développé au cours du dernier quart de siècle et qui avait donné à ses