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AU CŒUR DE L’HIVER SUÉDOIS

NOËL EN DALÉCARLIE

De pays plus poétique, je n’en connais pas. Il l’est par sa nature âpre, taciturne, si étrangement éclairée, et dont les beautés, disait Almqwist, semblent avoir été faites pour rester des secrets éternels. Point de variété pittoresque : des lacs, des forêts, des fjells, la bordure claire d’une prairie, la tache sombre d’un bouquet de pins, une eau dormante, une lande aride. Rien de plantureux : elle engraisse peu d’animaux domestiquée et nourrit beaucoup d’animaux sauvages. Rien de voluptueux : « Jeune homme, regarde les feuilles vert tendre de nos arbres : elles ne sont jamais veloutées ni foncées comme celles du Midi. Notre amour a moins de sensualité que de fraîcheur. » Une seule rose y pousse spontanément, l’églantine, petite fleur simple dont le faible parfum est le plus délicat et le plus noble que porte l’air. La terre suédoise excite l’homme à se passer de ce qui est en dehors de lui-même. Mais elle a l’attirance toute spirituelle des terres pauvres. Le rêve s’y attache comme les Liniuæa dont les filamens rampent sur le sol, et dont la senteur d’amande emplit les déserts du Nord. La séduction de ce pays est dans sa rudesse mystique, dans sa solitude, dans ses lignes grandes et tristes, mais parfois aussi fines que les traits d’un visage.

Et poétique, il l’est encore par son histoire ou, pour mieux dire, par sa légende. Le peuple suédois a vécu une extraordinaire saga. Son paganisme a plongé dans le moyen âge chrétien avec la même énormité farouche que sa presqu’île dans les flots du Nord. L’imagination populaire, qui en demeure imprégnée, supprime les trois ou quatre siècles de religion romaine où cependant a