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L’instituteur, pourvu qu’il croie de toute son âme à la grandeur de sa tâche patriotique, qu’aucune infiltration « hervéiste » ne vienne corrompre son apostolat national, est à coup sûr l’un des plus utiles ouvriers d’assimilation et de conquête française.

Mais beaucoup d’enfans, dans nos campagnes algériennes, ne fréquentent pas l’école ou la fréquentent peu. L’école, d’ailleurs, écrit avec raison M. Démontés, « ne suffit pas à transformer complètement, définitivement, l’esprit, si malléable qu’il soit, de jeunes êtres qui, chaque jour, dans leurs familles, par la conversation et par la contagion de l’exemple, puisent souvent des idées et des sentimens contraires à ceux qu’on leur enseigne. » A côté de l’école, il y a l’armée, il y a les collèges et lycées où fréquentent peu les fils de colons étrangers ou naturalisés ; il y a les œuvres d’assistance, de mutualité ; enfin il y a l’Eglise.


VI

La séparation de l’Église et l’État survenant, en Algérie, au moment précis où le problème de l’avenir de notre race s’y pose avec une troublante acuité, et où la prépondérance future des Français, dans un pays conquis et fécondé par leur sang et leur argent, est menacée, prend tout à coup une ampleur inattendue, ou plutôt elle se fond dans une question plus vaste, plus grave, plus inquiétante. Il n’est pas de plus puissant moyen d’assimilation que la communauté d’une même foi et d’un même culte : les Romains le savaient, eux qui faisaient du culte de Rome le symbole et le lien de l’unité de l’Empire. Si la France avait conquis l’Afrique du Nord en un siècle de foi agissante et unanime, au temps de Louis XIV par exemple, on peut croire que l’unification des races, y compris peut-être les élémens kabyles, s’y serait faite sous l’inspiration et par l’ascendant du clergé. Et même aujourd’hui, si amoindrie que l’on suppose l’influence du clergé catholique en Algérie, l’on ne saurait contester que son action s’exerçait dans le sens de la prépondérance française. Est-il nécessaire d’évoquer la haute figure du grand cardinal d’Afrique ? Dans les instans critiques, un appoint, même faible, peut suffire à faire pencher la balance : l’Algérie n’a pas, depuis longtemps, traversé une heure plus critique ; elle a besoin de la collaboration, de l’union intime de toutes les forces françaises pour une action énergique et immédiate. —