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nous retirions de cette Femme de Babylone est d’apprendre que, en Angleterre, des romanciers continuent à écrire de tels livres, et que des milliers de braves gens continuent à les lire.

Après cela, il faut bien reconnaître que, dans le genre du roman religieux, la nuance « antipapiste » n’a malheureusement pas le monopole de l’ennui. Qu’il y ait là une fatalité attachée à la nature même du genre, ou un accident fortuit et exceptionnel, c’est chose trop certaine que, de tous les genres du roman pratiqués en Angleterre durant l’année présente, aucun, pris en bloc, ne m’a été d’une lecture plus malaisée que le roman religieux. Et je serais porté à croire que le hasard, dans l’espèce, n’est point seul responsable : car plusieurs des écrivains dont les romans religieux m’ont le plus ennuyé m’avaient, autrefois, paru beaucoup plus intéressans et beaucoup plus vivans, dans des récits où les questions religieuses n’avaient point de part. La vérité est, sans doute, que pas un des autres genres n’est plus difficile : et c’est de quoi les jeunes auteurs auraient profit à se persuader, en Angleterre aussi bien que chez nous.


Voici, par exemple, l’éminente femme de lettres connue sous le pseudonyme de Lucas Malet ! Fille et nièce de deux hommes qui ont naguère figuré au premier rang des écrivains de leur pays, les deux frères Kingsley, elle a apporté elle-même aux lettres anglaises un très précieux mélange de vigueur intellectuelle et de grâce féminine : dix romans, élaborés tour à tour avec une élégance discrète et raffinée, depuis les Gages du Péché jusqu’à Sir Richard Calmady, nous l’ont montrée promenant avec une égale aisance, sur les terrains les plus divers, la délicate sûreté de son observation. Or il est arrivé récemment que, — à en juger, du moins, par son dernier livre, — cette nièce de l’adversaire et dénonciateur passionné de Newman s’est convertie au catholicisme ; et je dois dire que sa conversion est venue compléter, le plus heureusement du monde, l’image toute respectueuse et belle que je m’étais toujours faite de sa personnalité d’écrivain. Mais elle n’a pu s’empêcher, sans doute, ayant goûté personnellement les bienfaisantes délices de sa foi nouvelle, de vouloir consacrer à l’éloge de cette foi le prochain roman qu’elle allait écrire : et, en effet, son Horizon lointain[1]

  1. The far Horizont, par Lucas Malet, un vol. Londres, librairie Hutchinson, 1907.