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comme celles que nous décrit, sous couleur de nous exposer la carrière d’un poète, M. Arthur Machen dans sa Colline des Rêves[1] ?


D’une manière générale, le roman anglais me semble n’avoir rien perdu de sa vitalité de jadis ; et je doute qu’aucune autre des littératures étrangères soit en état de nous présenter, parmi ses romans de l’année, un aussi grand nombre d’ouvrages excellens. C’est là un fait que je me garderais bien de vouloir expliquer : mais il y a, tout au moins, l’une de ses causes que je ne saurais m’empêcher d’indiquer en passant. Je crois, en effet, que la belle floraison littéraire du roman tient, pour une certaine part, à ce que, en Angleterre, le théâtre n’a pas commencé jusqu’ici, comme à Berlin, à Rome, à Pétersbourg, ou chez nous, à écarter du roman, par la séduction qu’il exerce sur eux, les plus intelligens et les mieux doués des jeunes écrivains. Sauf de rares exceptions, les romanciers anglais dédaignent, l’estimant trop facile et indigne d’eux, le succès qu’aurait à leur offrir le public spécial des théâtres de Londres : et ainsi ils s’avancent, d’un pas ferme et sûr, dans la voie que leur ont tracée leurs prédécesseurs, au lieu d’être distraits et troublés par la pensée des avantages de renommée ou de gain matériel qui les attendraient, s’ils se décidaient à entrer dans une voie différente. Hélas ! il n’est pas impossible que, sur ce point encore, le « splendide isolément » des compatriotes de Dickens finisse bientôt : car déjà la « littérature » est manifestement en train de s’introduire sur la scène anglaise ; déjà des romanciers de valeur, comme M. Barrie ou M. John Galsworthy, jaloux du triomphe de M. Bernard Shaw, abandonnent le roman pour la comédie ; et peut-être le moment n’est-il pas éloigné où, à l’exemple de MM. Paul Hervieu, d’Annunzio, et Maxime Gorky, les remarquables auteurs dont je viens de parler renonceront à perpétuer, ainsi qu’ils le font jusqu’à ce jour avec un zèle infiniment méritoire, la longue et glorieuse tradition de leur roman national.


T. DE WYZEWA.

  1. The Hill of Dreams, par Arthur Machen, 1 vol. Londres, librairie Gran-Richards, 1907.