Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chambre, sous l’ardente parole de Thiers, de Gambetta, de Cassagnac, devant une coalition de Droite et de Gauche, et le champ fût encore resté libre aux partisans de la guerre. L’entrée de Bade dans la Confédération eût donc en effet déchaîné, la guerre, guerre dans laquelle la Prusse aurait eu à la fois contre elle d’une manière active la France, l’Autriche, la Bavière, le Wurtemberg, sans être certaine de n’avoir à redouter de la Russie qu’une neutralité mécontente. Or, si Bismarck était un audacieux, il n’était pas un téméraire. Il voulait la bataille autant que les nationaux-libéraux et même plus ; étant au centre des affaires, il sentait qu’avec la paix : « la locomotive unitaire resterait embourbée dans le Mein, ne pouvant ni reculer ni avancer. » « Je suis prêt, disait-il à Roggenbach, je suis prêt à trois ou quatre guerres. » Mais il n’en voulait aucune dans des conditions défavorables. Et il ajoutait : « Dans la politique, je fais comme dans la chasse aux canards ; je ne mets jamais un pied devant l’autre sans avoir auparavant éprouvé le terrain sur lequel je peux marcher. » Il avait trouvé ce terrain, il le préparait. Mais il ne pouvait pas dévoiler son secret aux Badois et aux nationaux-libéraux ; et, comme il était de ceux que les criailleries des journaux n’intimident ni ne décident, il supportait dédaigneusement les objurgations de l’ignorance présomptueuse, et, dans le secret le plus mystérieux, poursuivait lentement l’organisation de cette guerre, qui ne menacerait pas les États du Sud et lui assurerait leur concours avec la bienveillance de la Russie.

Les nationaux-libéraux, se défiant bien mal à propos de la prévoyance habile de leur chancelier, voulurent l’éperonner. Un de leurs principaux orateurs, Lasker, sans l’avoir même averti, profitant d’une discussion de la troisième lecture d’un traité avec Bade, assurant aux deux pays la réciprocité du recours judiciaire, proposa la motion suivante : « Le Reichstag de l’Allemagne du Nord exprime sa reconnaissance pour les efforts nationaux incessans où s’unissent le gouvernement et le peuple de Bade ; le Reichstag considère ces efforts comme la vive expression du sentiment de communauté nationale, et voit avec satisfaction que le but où ils tendent est l’accession, aussi prochainement que possible, de l’État de Bade à la Confédération actuelle (24 février). »

Le discours de Lasker accentua le sens de cette motion déjà