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Quelques mois plus tard, sir Edward Grey disait encore : « Le sentiment est unanime en Angleterre sur cette question : sentiment honnête, désintéressé, n’ayant rien de politique… Nous ne voulons pas empêcher la Belgique d’invoquer ses titres pour annexer le Congo, mais il faudrait qu’elle y changeât complètement le système de gouvernement. Ce faisant, elle trouvera chez nous bon vouloir, aide et encouragemens. Quelle que soit l’intention des puissances, il nous serait impossible d’accepter plus longtemps l’état de choses actuel sans examiner de très près quels sont nos droits et quelles sont nos obligations au Congo. » Le chef du Foreign Office a renouvelé ces déclarations, au cours de l’année dernière. Certains membres de la Chambre des communes s’étant plaints de la trop grande longanimité du gouvernement britannique, sir Edward répondit que, vu le changement du Cabinet belge, il était juste d’observer l’expectative pendant un temps raisonnable ; « mais, a-t-il ajouté, je répéterai ce que j’ai déjà dit : je ne crois pas que nous puissions attendre indéfiniment… Nous avons été jusqu’ici les meilleurs amis de la Belgique, et des temps peuvent venir où elle regrettera de ne l’avoir pas reconnu… mais il faut qu’elle opère une transformation complète au Congo. On peut nous donner autant de réformes qu’on voudra ; ce que nous demandons, ce sont des résultats. »

Quoi qu’on pense de cette ingérence étrangère et des conseils d’amis qui s’imposent de la sorte, il était impossible à un petit pays comme la Belgique de n’en pas tenir compte, et au roi Léopold de persister dans son attitude intransigeante. La Commission des XVII reprit donc ses travaux (septembre 1907) pour discuter le projet de loi coloniale. En même temps, les plénipotentiaires du souverain du Congo négocièrent avec les plénipotentiaires du roi des Belges le traité de cession que M. de Trooz déposa le 3 décembre sur le bureau de la Chambre.

Les journaux officieux déclarèrent aussitôt que ce projet qui obligeait la Belgique à respecter toutes les fondations existantes au Congo, était à prendre ou à laisser, et que le Parlement n’avait qu’à accepter ou à repousser l’annexion sans en discuter les clauses. Cependant, le maintien de la Fondation de la Couronne soulevait une vive opposition dans tous les partis. L’opinion du petit groupe socialiste était connue d’avance, mais une fraction importante de la droite, ayant à sa tête M. Beernaërt, — qui fut un des principaux collaborateurs du Roi au début de