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situation n’est pas changée : l’impôt en travail demeure excessif ; l’emploi de la monnaie n’a guère fait de progrès. « Ce régime, conclut le consul Thesiger, est une des causes de dépopulation ; le long de la frontière, les indigènes se sauvent sur la rive française ; ailleurs, les populations surmenées et mal nourries sont ravagées par la petite vérole et la maladie du sommeil. »

Il faut ajouter, d’ailleurs, que ce « Livre blanc, » aussitôt traduit en français à Bruxelles, a déjà reçu une réponse de l’Etat indépendant, s’attachant à réfuter les allégations des consuls anglais et constatant que ceux-ci se gardent d’établir aucune comparaison entre le Congo belge et les colonies voisines.

Pour la neuvième fois depuis cinq ans, la question congolaise revint devant le Parlement britannique, à la fin de février dernier : les orateurs furent unanimes à déclarer que la situation était intolérable et qu’il fallait en finir, « car, depuis trop longtemps, le souverain du Congo berne les puissances européennes et les empêche d’arriver à une solution. »

« Je sais parfaitement, répondit sir Edward Grey, que les sentimens si intenses qui viennent d’être exprimés dans cette enceinte sont l’écho fidèle de ceux qu’éprouve la nation tout entière. On peut affirmer que, pendant ces trente dernières années, aucune des questions de politique extérieure n’a plus violemment et plus profondément ému le pays. » Il termina en se ralliant à l’ordre du jour de M. Leif Jones qui invitait le gouvernement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir un changement de système au Congo.

Cet ordre du jour fut adopté par acclamations. Cependant les négociations continuaient, à Bruxelles, pénibles et laborieuses, entre le Roi et le premier ministre qui, désespérant de trouver un terrain d’entente avec le souverain, fut, dit-on, sur le point de donner sa démission. L’opinion publique s’inquiétait de ces pourparlers interminables. « Catilina est à nos portes, — écrivait, le 1er mars, M. Wauters, l’éminent directeur du Mouvement géographique, — et nous délibérons toujours. »

Enfin, le 5 mars, M. Schollaërt, après une dernière entrevue avec le Roi, déposait sur le bureau de la Chambre l’ « acte additionnel au traité de cession du Congo. » La Fondation de la Couronne est supprimée ; les biens qu’elle possédait font retour au souverain qui, de son côté, abandonne à l’Etat les terres d’Afrique, le portefeuille de la Fondation ainsi que certains