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que leur pays n’a pas besoin de colonie : « en 1878, la Belgique était, suivant Elisée Reclus, la première nation du monde au point de vue du commerce, de l’industrie et de l’agriculture, et elle ignorait le Congo. Ce climat meurtrier où l’Européen ne peut guère vivre plus de trois ans de suite, où il ne peut faire souche, ne sera jamais une colonie de peuplement ; à peine si l’on y compte un millier de Belges, alors que 70 000 commerçans belges sont établis dans le Nord de la France. En outre, des révoltes sont à prévoir. La répression exigera des envois de troupes et des dépenses considérables ; l’Allemagne a bien dépensé un milliard pour venir à bout de l’insurrection de quelques milliers d’Herreros. Que si, par miracle, le Congo devait réellement être une bonne affaire pour la Belgique, celle-ci aurait, plus que jamais, à redouter des complications internationales et les convoitises britanniques. »

À ces objections, les défenseurs du projet, et notamment M. de Lantsheere, dans son remarquable rapport du 1er avril, répondent que, sans doute, la nouvelle colonie aura quelques années difficiles à passer ; toutes les colonies en sont là, dans leurs débuts, et cependant, la plupart des nations cherchent à en avoir. La France ne regrette pas d’avoir dépensé 4 à 5 milliards en Algérie. Le Congo ne sera jamais une colonie de peuplement, soit, mais la population sans cesse croissante de la Belgique trouvera des débouchés pour son activité industrielle et commerciale, dans ce pays d’une fertilité exceptionnelle, habité par trente millions de noirs dont les besoins ne feront qu’augmenter. Aussi la ville d’Anvers, ce grand marché du caoutchouc et de l’ivoire, désire-t-elle ardemment l’annexion qu’elle sent favorable à ses intérêts. La valeur du caoutchouc pourra subir des fluctuations (la baisse actuelle provient, en grande partie, de la crise américaine), mais ce produit, dont la consommation augmente d’année en année, a encore, quoi qu’on en dise, un bel avenir devant lui. D’autres élémens sont venus, d’ailleurs, s’ajouter aux ressources du Congo, par suite de la découverte de richesses minières considérables (cuivre et étain) dans la région du Katanga. Quant aux complications internationales, c’est une chimère à l’aide de laquelle on cherche à effrayer le pays.

Ces réponses résument bien l’opinion courante en Belgique, du moins parmi ceux qui s’intéressent à cette importante question, car la masse du public y demeure fort indifférente. Dans