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de son feuillage dans l’air que les, couches successives des ondes dans un fleuve. En outre, le détail contredit l’ensemble. La feuille est la plus définie qui soit : l’ensemble est un nuage. C’est un nuage fait de petites choses très précises et très simples. Et ce paradoxe pittoresque a été intraduisible, jusqu’ici.

A toutes ces grandes toiles que leur dessin soutient et que perd leur couleur, s’oppose, comme une symétrique antithèse, un tableau assurément fort bien dessiné, mais dont l’intérêt serait extrêmement faible sans sa couleur : La Cérémonie religieuse, à Assise, de M. Lucien Simon. Il occupe le fond de la salle IV bis, de l’avenue d’Antin. Précédé, comme il l’est, par le graveur Bracquemond de M. La Touche, par l’excellente Robe rose de M. Shannon, par les délicats effets de lune de M. Lechat, par les vues de Venise, de M. Stewart, et par ce petit tableau de M. Montzaigle qui est, en quelque sorte, le portrait d’un nuage, l’œuvre de M. Simon nous semble le terme heureux d’un pèlerinage incertain. Si les tableaux portaient le nom de leur sujet esthétique, au lieu de porter celui de leur sujet anecdotique, celui-ci devrait s’appeler : Le soleil et la bougie ou encore Les chapes et les soutanes, car ce sont les lumières d’un oblique rayon du jour et d’une applique de bougies, jouant sur le des rond des chapes blanchâtres et sur les gaines noirâtres des soutanes, dans une confusion de clartés fades, qui font la nouveauté de cette peinture. Les tons de M. Simon, que, faute d’autres mots, il faut appeler « blancs, » et ceux que la pauvreté de notre vocabulaire nous force à dire« noirs, » sont des merveilles d’harmonie sourde et secrète, rendues plus sensibles par de hautes notes rouges plaquées, çà et là, en un accord parfaitement sûr. On peut regretter que ces notes rouges se répètent un peu trop semblablement et selon une symétrie excessive en un coin du tableau. C’est une confirmation de cette loi, que dans une œuvre de coloriste, on ne devrait jamais voir deux morceaux d’une couleur identique. On peut regretter, aussi, que l’effet total soit dispersé et qu’il y ait, manifestement, dans ce tableau, trois tableaux ou trois groupes, dont chacun se suffit à lui-même. Il faut s’approcher et ne plus regarder autre chose pour saisir ce que recèlent d’observation excellente les figures des séminaristes en noir, assis côte à côte, en un coin du tableau. Mais, à tout prendre, l’œuvre de M. Lucien Simon comme, dans le même Salon, le Nain vendeur d’outres de M. Zuloaga et