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dans les ruines du « grand art » ou de la « peinture décorative : » c’est l’Estampe. Autrefois, le visiteur des Salons traversait, encourant, comme s’il craignait d’être contaminé, les salles dédiées à la gravure, et Cham a noté un ménage de connaisseurs qui ne croit point de sa dignité de jeter un seul coup d’œil sur ces prétendues œuvres d’art « parce qu’elles ne sont point faites à la main. » Depuis un an ou deux, au contraire, il semble que parfois un visiteur s’y attarde. Là-bas, les hautes salles étincelantes d’huiles récemment vernies et de vastes conceptions philosophiques l’attendent ; mais il soupçonne qu’il y trouvera les mêmes figures d’invités que voici dix ans, tandis que, dans le pourtour de la coupole, sur ces panneaux bas ou ces « épines » que l’ingénieuse hospitalité de M. Dubufe a ménagés aux graveurs, il semble qu’on aperçoive des choses nouvelles. Ces choses sont assurément de l’art, et de l’art le plus « personnel, » bien qu’elles ne soient pas « faites à la main. » Elles sont imprimées, semble-t-il, sur de minces pelures de papier et prêtes à s’envoler au moindre souffle. Les couleurs ont l’air, le plus souvent, d’une poudre légère échappée à l’aile d’un papillon et fixée par une vapeur. Les lignes, au contraire, les contours généraux paraissent appuyés et enfoncés comme par une charrue. Mais avec ce peu de matière sont évoqués des songes infinis. On n’avait jamais vu cela, jusqu’ici, sauf peut-être au fond de vieilles demeures provinciales, entre des cadres étroits datant de deux ou trois générations, sous des verres du XVIIIe siècle, si ternis et surannés qu’on pouvait à peine y lire le nom du graveur, un nom à désinence anglaise ou italienne. Serait-ce donc, là, des vieilleries qui reparaissent au grand jour de Paris, du Printemps, et des Champs-Elysées avec le charme du parfum oublié et persistant des tiroirs de province ? Non. Ce sont choses nouvelles. Il y a une simplicité dans les gestes, il y a une vérité dans les paysages, il y a une variété dans les couleurs, qui ne se connaissaient pas jadis. Ces petites merveilles déjà vues à l’Exposition de l’automne dernier à la galerie Georges Petit et signées : Latenay, Labrouche, Luigini, Raffaelli, Abel Truchet, Marie Gautier, Braqua val, Harald Gallen, Lorrain, Bouillette, François Simon, sont modernes. C’est bien une Renaissance de l’Estampe.

Lorsqu’il y a quinze ans, la photographie commença d’atteindre aux frontières mêmes de l’art, il fut aisé de prévoir et