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exemples, en se bornant à des couleurs simples, plates, que le tirage de l’épreuve fournit franchement, qui ne singent ni l’huile, ni l’aquarelle, ni la gouache, mais sont un art parfaitement autonome que rien ne peut remplacer. D’autres sont venus, dont les visées plus ambitieuses et moins strictement décoratives ont enrichi l’estampe en couleurs de nouveaux effets. Les extraordinaires chimies de M. Luigini, les harmonies fondues et calmes de M. de Latenay, les teintes plus franches et plus révélatrices du procédé de gravure de M. Labrouche sont d’admirables petits tableaux tirés à nombre d’exemplaires. Encore faut-il citer les œuvres de M. Waidmann, celles de M. Chabanian, celles de M. Lorrain, celles de M. François Simon, colles de M. Bra-quaval, de M. Harald Gallen, de M. Michl, de Mme Marie Gautier, sans pouvoir rendre justice à tous ceux qui commencent à manier merveilleusement cet art délicat et large de l’Estampe en couleurs.

Enfin, le dessin tout simple, au crayon noir, çà et là pâli de quelques touches de blanc ou réchauffé de quelques traits de crayon rouge suffit, comme l’Estampe, à donner de vives sensations d’art, s’il est manié par un grand artiste. Avenue d’Antin, au dehors de la salle III bis, sur le pourtour de la coupole, dans une petite chambre close et ouatée, d’un jour discret, voici les dessins de M. Burnand, commentant les Paraboles. Ces aménagemens sont la marque distinctive du Salon de l’avenue d’Antin. M. Dubufe compose son Salon, comme chaque artiste devrait composer son tableau et chaque maîtresse de maison sa table. Il fait causer ensemble et chuchoter les discrets qui ne s’opposent que des nuances, met face à face les gens graves qui se regardent sans rire, verse le même rayon de soleil aux poètes qui flamboient et aux arbres qui fleurissent et fourre au même bout tous les gens qui crient. A M. Burnand, il a consacré une sorte de chapelle. On en sort sinon meilleur, du moins plus pensif qu’on n’y était entré. De même qu’un artiste ne se trouve pas toujours à point nommé pour prendre noie d’un événement historique, de même il est rare, dans le monde des idées, que, parmi les hommes aptes à ressentir fortement un enseignement philosophique ou religieux, il s’en trouve d’assez doués pour l’exprimer fortement aux autres par l’œuvre de leurs doigts. M. Burnand est de ceux-là. Ses yeux ont vu vivre les Paraboles, et sa main a su rendre sensible la vision de ses yeux.