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qu’on appelle à première vue « bibliques, » tant leurs grandes lignes simples paraissent se déployer sur l’horizon comme la signature de Dieu.

Un jour est venu où toute son œuvre a été ainsi faite. Ce n’est point, là, de la « documentation, » au sens scolastique du mot, ni de la « méthode » historique. Mais il n’est pas de méthode, ni de documentation, qui conduisent à entendre bien les vérités philosophiques, si on ne les a pas, au contact de la vie, éprouvées. Les textes n’ont jamais donné l’intelligence de l’âme à qui n’a pas lu l’âme humaine, et nul ne découvrit jamais, dans un enseignement même divin, que ce qu’il portait, déjà, dans son propre cœur.


Voilà des images comme la photographie, fût-ce la plus parfaite et la plus artiste, ne saurait en produire. On l’a essayé parfois. On a cru pouvoir exprimer des idées ou des histoires par des combinaisons de modèles placés dans un décor approprié, faisant les gestes requis et saisis par un déclic d’appareil. Mais on n’obtient, de la sorte, qu’une vérité de théâtre, qu’un jeu de scène, mimé par des acteurs dont la photographie décèle impitoyablement le grime et le travesti ; de façon que, pour obtenir plus de vérités secondaires, on manque les seules vérités qui importent. L’illustration d’un texte, non plus que l’Estampe originale, n’ont donc rien à redouter des progrès de l’objectif. Elles ne cessent, au contraire, de gagner dans le domaine de l’imagination et de l’art pur. Tandis qu’aux Salons de 1908, les grands cadres renferment trop souvent des aspects de la nature déjà vus ou des rêves qu’il vaut mieux ne pas voir, voici que les crayons, les gravures originales, les eaux-fortes, les lithographies, les estampes en couleurs, en un mot les « petits cadres, » laissent apercevoir, comme une lucarne entr’ouverte, quelque chose qui ressemble à un nouvel horizon.


ROBERT DE LA SIZERANNE.