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des aînés parfois arrogans. Une nouvelle Pologne, voilà le festin promis : ne rétablir, — s’il le fallait absolument — une dynastie, les Bourbons, peut-être une autre, que sur une France démembrée, dès lors ne se prêter à aucune tics combinaisons de la famille déchue.

Dès l’abord, le Comte de Provence verra clair dans le jeu de l’Europe. Il voudrait le déjouer. Il entend bien qu’une coalition de princes se forme contre des « sujets rebelles, » mais pour remettre le Roi sur son trône. C’est, dès lors, le drapeau blanc qu’il faudrait planter sur Valenciennes, Longwy, Verdun conquis en 1792. C’est l’aigle allemand qu’on y arbore. De là, dira le Comte de Provence (et il le répétera jusqu’en 1814), de là est venue la résistance de la nation.

« Régent, » puis « Roi, » le frère de Louis XVI luttera vingt ans pour faire agréer par les Cabinets de l’Europe le principe qu’en 1792, il avait posé. À l’entendre, l’Europe, soulevée par le seul zèle du légitimisme (c’est bien Louis XVIII qui créa le mot), eût dû le reconnaître unanimement, l’héberger princièrement, lui prêter ses soldats, mais comme alliés des soldats de Condé et ne marcher contre la France rouge qu’avec le drapeau blanc. L’Europe prendra le contre-pied du programme, ne traitant généralement « M. le comte de L’Isle » que comme un prétendant qu’il sera toujours loisible de restaurer une fois à Paris. Car il faut s’assurer, le jour où la France sera envahie, ses coudées, — disons le mot, — ses lippées franches.

D’ailleurs, l’émigration déplaît à l’Europe, offusquée d’une mendicité parfois arrogante, presque toujours railleuse. On réputera ces nobles, proscrits volontaires, incorrigiblement légers et impertinens. On est peu sûr, — le cas échéant, — de leur gratitude. Car leur patriotisme ne subit qu’une éclipse, et certains cris où éclate parfois ce patriotisme par trop mortifié, ce qui nous console un peu, durent édifier l’Europe et la tenir en garde. On entend paralyser ces Français un instant dévoyés, et les avilir.

Leur situation était fausse et leur conduite avait été coupable, encore qu’elle nous paraisse présenter bien des circonstances atténuantes. Par un préjugé tenace et qui avait d’antiques fondemens, ils confondaient le roi et la patrie, et il leur parut