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attributions de responsabilité ? Moulaï-Hafid n’est, au milieu de beaucoup d’autres, qu’une des manifestations très contingentes de l’anarchie marocaine. Le mouvement qui s’est formé autour de lui se serait, à défaut de lui, formé autour d’un autre ; de qui ? nous n’en savons rien : du premier venu, d’un aventurier ou d’un intrigant quelconque, peut-être d’un de ces chefs improvisés qu’on choisit à cause de sa nullité même, et qui suit son monde précisément parce qu’il en en est, ou qu’il s’en croit le chef. On se trompe lourdement si on imagine que la révolte du Sud et la proclamation de la guerre sainte sont le fait du seul Moulaï-Hafid, et qu’elles disparaîtraient avec lui comme l’effet disparait avec la cause. La cause persisterait, et il ne faudrait pas longtemps pour que l’effet se reproduisît, peut-être même dans des conditions aggravées. Nous ne voulons pas dire par là que Moulaï-Hafid soit un moindre mal, et qu’il faille par conséquent en désirer le maintien, mais seulement mettre en garde contre l’illusion que toutes nos difficultés tiennent à sa personne, et qu’elles seraient supprimées comme par enchantement si on pouvait la supprimer. Dans l’état de décomposition politique ouest le Maroc, Moulaï-Hafid n’est qu’un accident. Le drapeau qui tomberait de sa main serait repris et relevé par un autre. Sa force n’est pas en lui, mais dans la cause qu’il représente et qui, à défaut de lui, trouverait tout de suite un nouveau représentant.

Il cherche à tirer une autre force du dehors, et il vient de renouveler, auprès de l’Allemagne, des démarches qu’il avait tentées déjà avec moins de succès. Il a envoyé à Berlin des émissaires qui ont demandé à être reçus et entendus : on leur a répondu qu’ils seraient reçus et entendus, non pas officiellement, mais officieusement, et un fonctionnaire des Affaires étrangères a été effectivement chargé de les recevoir et de les entendre. Non pas de leur répondre. On a fait, à ce sujet, une distinction : le fonctionnaire des Affaires étrangères écoutera les délégués hafidiens et prendra acte de leurs dires, mais il n’entrera pas en conversation avec eux. Ils parleront, il se taira. De plus, les journaux allemands ont fait savoir que le gouvernement impérial s’empresserait de communiquer au gouvernement français ce que ce monologue lui aurait appris. Nous reconnaissons volontiers que le gouvernement impérial use à notre égard de formes courtoises ; mais que ces formes soient correctes autant qu’elles sont courtoises, comment l’accorder ? Elles ne le sont ni envers le sultan du Maroc que toutes les puissances ont reconnu et auquel l’Allemagne doit peut-être des ménagemens particuliers, ni