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Bazar de Mistra, avec ses échoppes garnies d’auvens, comme à Constantinople, dans le quartier de Sainte-Sophie, — sa fontaine abritée par un platane géant, sous lequel de rares flâneurs continuent à fumer le narguilé oriental. On longe des jardins, dont les murs chauffées à blanc vous renvoient, avec la réverbération du soleil, de véhémentes senteurs de basilics et d’œillets d’Inde, — et l’on arrive enfin sous le rocher de Mistra... En bas, se creuse un torrent, profondément raviné, qui forme un fossé naturel et assez mal commode à franchir, en avant du rempart. Il faut descendre dans le ravin, puis, en suivant un sentier de mulets, remonter sur la berge opposée par des gradins taillés dans le roc... Et voici que commencent de petites rues très étroites, pavées de cailloux merveilleusement durs, — des venelles tortueuses et qui se croisent en labyrinthe, comme dans les casbas mauresques, mais ce sont des rues sans maisons. Mistra est une ville morte. Au premier abord, on se figure qu’elle n’est habitée que par des poules, tant il y en a qui picorent dans les orties et les lavandes. Cependant, quelques masures demeurées à peu près intactes servent encore de logis à des paysans. Elles ont l’air de chanceler sous les avalanches de pierres qui dégringolent le long des pentes, et elles sont comme submergées dans cette nappe de décombres qui descend de la montagne. Partout des pierres, des entassemens de blocs, des détritus de maçonnerie et, de loin en loin, — émergeant des broussailles et des ruines amoncelées, — des pans de murs couronnés de créneaux, des palais et des basiliques...


Que ces noms pompeux ne fassent point travailler inutilement les imaginations ! De loin, ces palais et ces basiliques se distinguent à peine des bâtisses écroulées qui les entourent, et leurs tons de poussière et de décrépitude se confondent avec ceux des roches. Pour ce qui est des églises surtout, l’extérieur en paraît fort misérable. C’est bas, c’est étriqué, rabougri et vieillot. Avec leurs absides trapues, leurs tours octogonales surmontées d’une coupole aplatie, leurs briques effritées, leurs tuiles roussies, elles ressemblent à des colombiers déserts.

Tel est l’aspect de la Péribleptos, la première de ces églises qu’on aperçoive. La « Péribleptos, » cela veut dire l’Illustre, Celle qui attire les regards... Mais elle n’attirait guère les miens ! J’étais tout à l’allégresse de la montée, par ce splendide matin d’août.