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de 1908, sera dans trente ans aussi démodée que le seraient aujourd’hui celles de 1878 ou de 1848 : et nous prêterons à rire, — ou à sourire, — à nos petits-fils. »

Voilà quels sont les griefs de quelques gens de lettres et de quelques journalistes contre la médecine. Et nous n’avons pas cherché, en exposant leurs critiques, à en diminuer la force. Voyons maintenant ce qu’il en faut penser.

Et tout d’abord, pour ce qui est de l’impuissance de la médecine, nous accorderons beaucoup. Hélas, oui ! les médecins d’aujourd’hui ne peuvent pas guérir, ou même diagnostiquer toutes les maladies. Si la médecine avait cette toute-puissance, et guérissait tous les malades, il n’y aurait plus de morts que par la vieillesse, les suicides, ou les traumatismes.

D’autre part, il est évident que la plupart des affections morbides légères peuvent guérir sans le secours d’aucun médecin. Une maladie tend à la guérison. C’est là une grande loi de pathologie qu’il faut toujours avoir présente à l’esprit. Une rougeole, une scarlatine, une angine, une fièvre typhoïde même, si le malade ne fait pas de sottises, et s’il se contente de suivre les indications naturelles : garder le lit, se bien couvrir et boire de la tisane, marcheront vers la guérison. Le rôle du médecin est ici très effacé. En revanche, si la maladie est grave, si l’infection est suraiguë, et si, dès le début, il y a intoxication profonde de l’organisme, le médecin, malgré tous ses efforts, ne pourra combattre que des symptômes, et bien souvent il sera vaincu. Mon père me contait souvent l’histoire d’un de ses chefs, Delaroque, dont le nom d’ailleurs n’a pas été conservé par la postérité, qui lui disait : « Les fièvres sont malignes quand le médecin ne l’est pas. » Ce n’est pas exact, malheureusement, et il serait bien injuste de reprocher à un médecin la mort de tel ou tel malade, atteint d’une scarlatine hémorrhagique, d’une fièvre typhoïde adynamique, d’une méningite suraiguë, alors que, dès le début, la violence et la gravité des symptômes ont rendu toute thérapeutique inefficace.

Ce n’est pas la faute de la médecine, si certaines maladies peuvent guérir seules ; et ce n’est pas la faute de la médecine si elle ne peut pas guérir toutes les maladies.

Oserait-on reprocher à un médecin de ne pouvoir rendre la vie à un décapité ? Pourtant, si la rupture d’un vaisseau cérébral détermine un épanchement de sang qui inonde le tissu du cerveau