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loi fatale, inéluctable de notre défaillante mémoire. Aussi n’est-il pas absolument nécessaire qu’un praticien sache la chimie, l’anatomie et la physiologie (élémentaires) ; il suffit qu’il les ait oubliées. Ignorer la science et avoir oublié la science, ce n’est pas la même chose. Que de choses nous avons apprises, les uns et les autres, dans notre jeune âge, pour les oublier ensuite ! Elles n’ont pas été stériles, cependant, ces connaissances oubliées ; elles ont créé notre état mental ; elles nous ont permis de relier les phénomènes aux phénomènes ; elles ont développé notre intelligence ; elles nous ont permis d’observer et de comprendre ce qui, sans ces notions préalables, eût passé pour nous inaperçu. Un jeune homme qui, de dix-huit ans à vingt-quatre ans, a fait de fortes études dans les sciences physico-chimiques et biologiques, est admirablement préparé à l’observation médicale. Et on peut être assuré qu’il sera un meilleur praticien que si, pendant ces six années, il n’avait eu pour former son intelligence qu’à regarder des accouchemens, des fractures de côte et des scarlatines.

Actuellement, les études médicales peuvent être à l’extrême rigueur terminées en cinq ans. Or vraiment ce n’est pas assez ; et, ce qui le prouve, c’est qu’en général les étudians font six ou sept ans d’études médicales. En six ans, un jeune homme laborieux et intelligent peut être en état de devenir un docteur très acceptable. A la base, l’anatomie, la physiologie, la chimie, la pathologie expérimentale, l’anatomie pathologique et la parasitologie : ce sont des études préliminaires auxquelles il peut consacrer trois ans. Encore, pendant la seconde année peut-être, et pendant la troisième à coup sûr, devra-t-il déjà suivre assidûment des services hospitaliers pour s’initier peu à peu à l’observation des malades. Mais ce qui est essentiel, c’est qu’il connaisse à fond ce qui est la science médicale. S’il sait parfaitement l’anatomie et la physiologie, la pathologie sera apprise sans peine ; il aura alors trois grandes années pour la pathologie, ce qui suffira pour être en état d’exercer honorablement la médecine. Mais vouloir supprimer ces premières années d’introduction à la médecine, ce serait un sacrilège, et, si on les rayait du programme des études, on ferait retomber les Facultés de médecine au-dessous du niveau des Écoles dentaires.

Certains praticiens, ceux-là mêmes qui affectent de mépriser le côté scientifique de la médecine, disent parfois aux jeunes