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n’a pas de travaux personnels : l’autre, avec des épreuves moins brillantes, a rendu déjà de grands services à l’enseignement, et a quelques travaux sérieux dans son bagage scientifique. Lequel doit être sacrifié ?

Les juges ont souvent l’angoisse de l’incertitude. Pour en sortir, ne leur est-il pas permis de choisir, d’après leurs préférences personnelles ? L’élève, qui connaît les idées de son maître, ne se fait pas faute de les reproduire avec complaisance : et tout naturellement, le maître, qui est juge, trouve ces idées, qui sont siennes, fort justes et déclare fort instruit le candidat qui les expose. Y a-t-il là favoritisme ? En tout cas, ce favoritisme s’accorde très bien avec la conscience.

On dit qu’avant le concours, d’après les noms des juges, les nominations peuvent être prévues ; et en effet, alors qu’aucune épreuve n’a été commencée encore, selon la composition de tel ou tel jury, on a pu parfois désigner les candidats qui devaient réussir. Or cela prouve seulement qu’on connaît, à peu de chose près, ces mérites relatifs des jeunes gens qui vont concourir, de même que dans une course hippique, — qu’on me pardonne cette comparaison, — on peut prévoir le cheval qui va demain remporter le prix.

Pourtant, les juges ont peut-être trop de fidélité à leurs élèves. Ils ne devraient jamais oublier que cette extrême fidélité est une injustice. Et puis, les jeunes candidats ne sont pas tout à fait innocens, eux non plus, car ils se font recommander, recommander, recommander. Ils disent : J’ai mon jury ; ou : Je n’ai pas mon jury. Ce qui est vraiment une lamentable formule.

Tout de même, je suis convaincu que ces concours, dont on a tant médit, sont, en réalité, bien plus sincères que ne le croient les candidats refusés.

Car enfin, tout le monde est forcé de reconnaître que ces concours, en dépit des violentes attaques venues de tant de côtés, conduisent toujours à de bons choix. Les nominations des chirurgiens et médecins des hôpitaux, ou des agrégés de la Faculté, sont consacrées par l’assentiment presque unanime, Aussi serait-il bien imprudent de détruire une organisation qui a fait ses preuves, et qui a fourni, et à l’Assistance publique et aux Facultés de médecine, tant d’hommes éminens, cliniciens habiles, et distingués professeurs.