Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/753

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apprend par des tiers les décisions de ses ministres qui devraient toujours lui être communiquées directement. Elle se plaint à sir Robert Peel qu’un ambassadeur nommé à l’étranger soit parti sans avoir été reçu par elle. Elle exige qu’à l’avenir tous ceux qui seront chargés de représenter l’Angleterre au dehors. sollicitent d’elle une audience qu’elle accordera toujours, si sa santé le lui permet.

Lorsqu’il s’agit de politique étrangère, la Reine ne se contente pas de prendre communication des dépêches envoyées par son gouvernement. Elle en discute les termes, elle y propose souvent des modifications importantes. Celui de ses ministres avec lequel elle s’entend le moins, auquel elle se croit obligée de donner des conseils de modération et de prudence, est précisément celui qui, pendant une partie de son règne, a été chargé des Affaires étrangères, lord Palmerston. Elle voudrait souvent adoucir le ton de ses dépêches, éviter que le gouvernement anglais n’ait l’air d’intervenir dans les questions intérieures des autres Etats. Lord Palmerston a une tendance à favoriser partout l’opposition, les élémens révolutionnaires. La Reine se place à un point de vue tout opposé, celui du respect des traités. Elle n’est pas non plus sans s’apercevoir qu’afin d’échapper au contrôle royal, on lui communique certaines dépêches trop tard pour qu’elle ait le temps de les lire à loisir et de les modifier. Elle n’admet pas qu’on triche ainsi avec elle, et elle réclame un service de transmission mieux organisé. L’obligation où elle se trouve de répéter plusieurs fois les mêmes recommandations finit par l’irriter. Sa correspondance avec lord Palmerston s’en ressent. Il y règne par instant un ton de mauvaise humeur auquel elle ne se laisse jamais aller lorsqu’elle écrit à ses autres ministres. On dirait qu’elle sent chez lui une résistance et une mauvaise volonté qui la poussent à bout. Elle ne cède pas néanmoins, elle aime mieux lutter, fût-ce au détriment de sa santé et de son repos, qu’abandonner quelque chose de ses droits. Elle s’en explique nettement avec son premier ministre. En 1848, au moment où l’Italie entre en ébullition contre l’Autriche, sous l’impulsion de la Sardaigne, elle s’indigne de la politique suivie malgré elle par le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Elle l’accuse de vouloir bouleverser la Péninsule, de ne s’intéresser qu’aux ambitions sardes et de méconnaître les droits que le gouvernement autrichien tient des traités au bas desquels l’Angleterre