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la rasséréner et la résoudre à remplir ses devoirs de future Heine : il échoua. Madame l’excita contre Mme de Maintenon, et cela n’arrangea pas les choses. Finalement on la laissa dans son coin, et sa mort, survenue en pleine jeunesse (20 avril 1690), fut un soulagement pour tout le monde, elle incluse. Elle « fut heureuse de ne pas vivre longtemps, » déclare Saint-Simon[1], et personne n’y a jamais contredit. Celle-là aussi ne comprenait rien à la France.

« On la fait mourir de chagrin, avait écrit Madame[2] quelques semaines avant sa fin. On fait tout ce qu’on peut pour m’amener au même point, mais je suis une noix plus dure que Madame la Dauphine, et, avant de m’avaler, la vieille y aura perdu plus d’une dent. » La noix palatine était en effet incomparablement plus dure que la noix bavaroise, aussi ne fut-elle pas « avalée. » En valut-elle beaucoup mieux et avait-elle fait sagement de jeter le manche après la cognée ? Nous laisserons parler les événemens.


IV

Les préoccupations ne lui manquaient pas du côté de l’Allemagne. Charles-Louis avait laissé ses bâtards entièrement dépourvus : trois grandes filles non mariées, cinq fils dont quatre étaient encore des enfans. Ce n’était pas faute d’avoir pensé à eux Il avait commencé dès avant le mariage de Liselotte à assurer sur le papier l’avenir des enfans de Louise de Degenfeld ; son testament[3], daté du 1er mars 1670, contient des legs à tous ceux d’entre eux qui étaient alors de ce monde[4]. Mais ce ne fut que le point de départ d’une série de projets qui restaient toujours en l’air. Il naissait des raugraves, il en mourait, et leur père défaisait, refaisait, paperassait, sans pouvoir se résoudre à la seule mesure pratique, qui aurait été de les pourvoir de son vivant ; il les chérissait, mais il chérissait encore plus ses écus et n’avait pas la force de s’en séparer. Si bien qu’à sa mort le prince Charles, son successeur, put arguer qu’il se trouvait en

  1. Additions au Journal de Dangeau, III, p. 103.
  2. Du 8 février 1090, à la duchesse Sophie.
  3. A. N. K. 552, no 8.
  4. 100 000 florins à Carl-Lutz, 107 862 florins à Carl-Édouard, 100 000 florins partager entre les cinq filles alors existantes.