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Combien il me tarde d’être à mon poste ! Mais, comme rien n’est sûr en ce monde, si, contre ma volonté, mon arrivée à Prague était retardée, je compte bien sur vous à l’endroit où je serais obligée de m’arrêter[1]. »

…………………………..

Marie-Caroline allait heureusement rencontrer sur sa route un conseiller, un ami plus sage que celui dont elle invoquait si ardemment l’assistance.

Le comte Auguste de La Ferronnays ne clamait pas, comme Chateaubriand : « Madame, votre fils est mon Roi ! » Son dévouement ne s’exhalait pas en tumultueux actes de foi et d’amour. Nul moins que lui ne songeait à escompter « le loyer de sa fidélité. »

Depuis sa démission d’ambassadeur à Rome si noblement donnée, en 1830, il vivait à Naples dans cette sorte de sérénité résignée que met, au bout d’une vie déçue comme la sienne, l’expérience des hommes... et des femmes. Son seul étonnement eût été de les voir raisonnables. Il trouvait donc tout naturel que l’année d’avant, malgré ses conseils. Mme la Duchesse de Berry se fût jetée en Vendée ; et non moins naturel qu’en revenant à Naples, après la catastrophe, elle voulût, en dépit du Roi, en dépit de l’Empereur, en dépit de sa petite fille, aller à Prague.

Le scepticisme du comte de La Ferronnays n’était pas cependant pour lui faire oublier les vingt ans d’exil qu’il avait traversés avec M. le Duc de Berry. Au premier appel de sa veuve, on le voyait donc accourir au palais Chiatamone[2], où l’avait mandé Marie-Caroline.

Il n’était que temps : le ministre d’Autriche[3] venait de refuser à la princesse son passeport pour Prague... La Ferronnays la trouvait hors de tout sang-froid.

— Vous voyez, s’écriait-elle, à quelle humiliation on ne craint pas de m’exposer. Elle me fait prévoir toutes celles qu’on me réserve encore. Lorsque tout le monde me témoigne de l’intérêt,

  1. Mémoires d’Outre-Tombe, t. VI, p. 157.
  2. Le 8 août, la princesse, après avoir passé un mois à Palerme, était arrivée à Naples à bord du Francesco-Primo, navire sur lequel le prince de Bavière, qui revenait d’Orient, lui avait offert l’hospitalité. Le roi de Naples, en dépit des protestations du ministre de France, avait traité Marie-Caroline en princesse du sang et lui avait assigné le palais Chiatamone comme résidence.
  3. Le comte de Lebzelstern.