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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra : Hippolyte et Aricie, de Rameau. — Boris Godounow, opéra en trois actes et sept tableaux, d’après Pouchkine, musique de Moussorgsky. — Théâtre de l’Opéra-Comique : Snegourotchka (La fille de neige), conte de printemps en quatre actes et un prologue, tiré d’Ostrovsky. Adaptation française de M. Pierre Lalo, d’après la traduction de Mme Halpérine ; musique de M. Rimsky-Korsakoff.


Voltaire écrivait le 11 octobre 1735 : « A la longue, il faudra bien que le goût de Rameau devienne le goût dominant de la nation, à mesure qu’elle sera plus savante. Les oreilles se forment petit à petit. Trois ou quatre générations changent les oreilles d’une nation. Lully nous a donné le sens de l’ouïe, que nous n’avions pas, mais les Rameau le perfectionnent. Vous m’en direz des nouvelles dans cent cinquante ans d’ici. »

Les nouvelles « que j’apporte, » après cent cinquante ans, et même cent soixante-quinze (Hippolyte et Aricie, en réalité le premier opéra de Rameau, date de 1733), ces nouvelles ne sont ni tout à fait mauvaises, ni bonnes tout à fait : plutôt mêlées. La reconstitution, — je n’ose dire la résurrection, — d’Hippolyte et Aricie a causé des impressions de plus d’une sorte : de l’intérêt, de l’admiration même, de l’émotion parfois et très souvent de l’ennui.

n y a deux façons de juger, comme toute musique de théâtre, la musique d’Hippolyte et Aricie. Premièrement, par rapport au drame. A cet égard, elle existe peu, seulement en de rares passages, et cela pour une raison très simple : c’est que le drame n’existe pas du tout. Dans ce livret, où le merveilleux abonde, et surabonde, la merveille la plus étonnante est encore le livret lui-même. On conçoit malaisément que personne ait jamais pu faire de la Phèdre de Racine une