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peut-être qu’il y a quinze ans. Naguère on avait été frappé surtout de ce qu’elle apportait de hardi ; cette fois on a été surtout choqué par ce qu’elle contient de pénible. Le phénomène est assez singulier pour valoir d’être noté. Certes, la raison en est d’abord au changement de milieu : le tableau ne s’est pas adapté au cadre de la Comédie-Française. Mais il y a d’autres causes et plus profondes. Amoureuse est une pièce d’analyse ; c’en est le mérite le plus incontestable et personne n’est plus disposé que moi à le goûter : j’ai toujours pensé que le théâtre doit surtout servir à nous renseigner sur nous-mêmes et nous aider à pénétrer dans les profondeurs de notre conscience. Nul doute, au surplus, que le cas mis sous nos yeux par M. de Porto-Riche ne puisse se rencontrer dans la réalité et que l’analyse de l’auteur ne soit clairvoyante. La question est de savoir si l’analyse, en littérature et au théâtre, peut s’exercer légitimement sur n’importe quelle situation. N’y a-t-il pas telles situations où l’insistance ne saurait être que fâcheuse ? Il y en a au moins une, et c’est la situation analysée dans Amoureuse. Dirai-je qu’on s’est ennuyé ? Ce perpétuel retour sur des idées ou des images toujours les mêmes a paru d’une monotonie désespérante. J’ajoute que les conversations d’alcôve exigent impérieusement le tête-à-tête. Devant douze cents personnes, elles produisent un effet de gêne. Je ne saurais mieux caractériser l’impression sous laquelle nous a laissés cette œuvre, d’ailleurs remarquable et à laquelle on ne pourrait sans injustice refuser des qualités d’un ordre tout à fait rare.

Il importe de noter que la pièce a été médiocrement défendue. Mlle Lecomte avait accepté d’interpréter le rôle de Germaine Fériaud, l’amoureuse. La charmante artiste y a mis toute son intelligence, toute sa finesse, tout son art de composition. Elle ne pouvait pas faire que le rôle fût de son emploi. Elle a été obligée d’y forcer ses moyens. M. Grand, chargé du rôle du mari, était dans ses mauvais jours. Très peu sûr de sa mémoire, il a sans cesse faussé le mouvement. Son geste brusque, son articulation sans netteté, son jeu sans nuances ont à souhait desservi le personnage. M. Grand se fie trop à son impulsion : pour se maintenir à la très large place qu’on lui a faite d’emblée à la Comédie-Française, il aura besoin de se surveiller. M. Duflos a été quelconque dans le rôle, d’ailleurs peu avantageux, de Pascal.


L’énorme succès que vient de remporter le Roi, aux Variétés, appelle quelques réflexions. Car il ne s’explique pas uniquement par la